La directrice de la Comédie, centre dramatique national de Reims, met en scène de façon très théâtrale la première pièce de la jeune autrice québécoise Lucie Boisdamour. Une fiction qui mêle et démêle le vrai du faux dans un jeu de portes semi-opaques laissant entrevoir la réalité au milieu des mensonges.
RAPT est un conte moderne. Il nous raconte la folle histoire de Louis (Arthur Verret) qui découvre un jour que quelqu’un, ou plutôt, comme il s’en rendra compte, un couple, lui a volé son identité et publie des fake news complotistes en son nom.
Il s’enferme alors dans un engrenage policier qui le fait se conduire de façon déraisonnable. La mise en scène de Chloé Dabert agit de manière progressive. La pièce commence par la présence d’Anne-Lise (Anne-Lise Heimburger) qui agit comme une voix off dans une série de Netflix.
Sans trop vous en dire, sachez que tout finit mal pour tout le monde ici, dans un sordide fait divers. Le procédé scénographique est classique et efficace. Anne-Lise raconte, et la scène se joue devant nous. Le décor se devine, puis s’assume. C’est un appartement, tout ce qu’il y a de plus conventionnel, dans lequel vit Louis et sa petite amie (Andréa El Azan).
Les autres interactions se font via la parole de la journaliste et la diffusion de vocaux et autres scrolls sur les réseaux sociaux. RAPT agit avec les codes conventionnels du théâtre pour nous raconter une histoire d’aujourd’hui où le confinement apparaît comme un archaïque vestige du passé. On rit de voir Louis nettoyer, avec sérieux, les paquets de pâtes qu’il ramène des courses. On rit moins de voir comment croire en quelque chose de faux est bien plus facile que d’admettre la vérité.
Les niveaux de jeu sont différents entre les comédien.ne.s. Anne-Lise surjoue la journaliste d’investigation enflammée quand Andréa El Azan et Arthur Verret s’emparent plutôt de codes plus contemporains en ponctuant leurs textes de respirations. Nous suivons cette histoire de façon rétroactive. En se positionnant aujourd’hui, le récit nous ramène aux années 2010 et jusqu’à 2023. Au fil des années, les relations entre les protagonistes s’entremêlent à la manière des interconnexions d’internet, il devient impossible de les dissocier. Bien évidemment, tous les rôles sont joués par les mêmes comédien.nes. Cela est possible, car les couples ne se croisent jamais dans la vraie vie. Ils se parlent en ligne uniquement. Et jamais en direct. La mise en scène les déplace de victimes à coupables en un changement d’attitude. Les tenues, sans charme, casuals, restent les mêmes. Cela fonctionne d’autant plus que la pièce cherche à nous enfermer, comme eux et elles, dans leurs maisons identiques. Plus rien n’est clair. Et si tout était vraiment faux ?
Jusqu’au 29 janvier au CENTQUATRE-PARIS. À 20 h 30
Visuel : © Victor Tonelli