« Pour un temps sois peu » le stand-up triste de Laurène Marx au Off d’Avignon

Un manifeste pour s’affirmer

Nous voila assis.es sur des chaises au milieu de la cours du lycée Mistral à Avignon. Devant nous des tables de pique-nique, des projecteurs et deux enceintes. Au centre de cette scène improvisée, un micro. Alors que les spectat.eur.rice.s discutent encore, Laurène Marx s’avance. Elle porte un tee-shirt long, des savates, des colliers, des bagues. Elle est au naturel. Elle se confie, debout à son micro, d’une voix douce, posée. Débute alors un discours, un manifeste. Elle nous parle de la transidentée, de sa transidenté, de la féminité. Ses paroles sont drôles, légères, elle fait des blagues, on rigole. Puis l’humour laisse le pas à une réalité moins drôle : celle d’une femme née dans un corps d’homme, une femme qui se bat au quotidien pour affirmer cette féminité, pour faire sienne de cette féminité, celle qu’on refuse de lui accorder.

Pour un temps sois peu est un « stand-up triste », une prise de parole nécessaire dans une société où la transidentité est négligée, rejetée. Qu’est-ce que la féminité ? Qu’est-ce qu’être femme ? Que veut dire être femme ? Laurène Marx aborde des questions de genre et en s’adressant directement au public, elle le responsabilise, il est pris à partie et doit s’interroger sur sa manière de penser et d’agir. Toutes ces interrogations sont déployées mais ne trouvent pas de réponses, existent-t-elles ? Des interrogations que l’on tente de comprendre, avec la tête puis avec les tripes, car tout ne peut pas être expliqué avec des mots. Il n’y a pas de mot pour dire ce que l’on est, on est et c’est tout.

Pas d’interprétation, un vécu

« L’humour noir est une question de vécu », a-t-on assez vécu pour juste entrevoir la souffrance d’une trans ? Cette surenchère de malheurs car elles perdent tout, sont incomprises, méprisées. Laurène Marx nous parle de sa vie, de toutes les difficultés et monstruosités qu’elle a traversées et traverse encore. Elle mentionne ces rendez-vous médicaux – chez le psychiatre, le chirurgien esthétique – toutes ces personnes extérieures qui doivent porter un avis sur son identité, n’acceptant pas ses réponses, cherchant toujours à savoir « si elle est bien une femme », la confrontant à des demandes indiscrètes qui ne devraient pas être posées, jamais. Laurène Marx a vécu dans la peur, une peur qui dévore de l’intérieur et ne vous quitte pas. Une douleur constante car être femme n’est pas une question d’apparence mais notre monde se construit sur l’apparence, alors comment lutter face à ça ?

Pour un temps sois peu est un texte fort sur une trans, proclamé par une trans. Il résonne dans la nuit noir, et les mots se prolongent dans notre esprit et ils font mal, bien qu’on ne puisse qu’imaginer ce qui est dit. La présence de Laurène Marx nous hypnotise, on s’accroche à ses mots, pour ne pas sombrer dans la souffrance qui l’a animée. Laurène Marx est une femme, sera-t-elle un jour considérée telle qu’elle est ?