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« Okina » : Maxime Kurvers remet en cause les préjugés de genre du théâtre nō

par Julia Wahl
25.01.2025

À l’occasion du festival Bruit, organisé par la compagnie La Vie brève, le Théâtre de l’aquarium accueille le spectacle Okina, de Maxime Kurvers.

 

 

Un théâtre nō féminin

Intéressé par le théâtre nō, Maxime Kurvers a proposé à Yuri Itabashi, une comédienne de théâtre contemporain, d’interprêter un classique de ce théâtre japonais traditionnel, la pièce Okina. Il s’agit là d’une véritable gageure : si le théâtre nō s’est peu à peu ouvert aux interprêtes féminines, Okina reste réservé à des hommes. Le sens de son titre, « vieillard » en japonais ancien, ainsi que la dimension liturgique du nō, expliqueraient cette discrimination : comme dans beaucoup de sociétés, les femmes étaient, dans le Japon classique, considérées comme impures (« kegare »), et à ce titre exclues de la prêtrise. Pour jouer Okina, Yuri Itabashi devra donc lutter contre un bon nombre de préjugés, dont les siens.

 

Le recours à une actrice de théâtre contemporain devait en effet faciliter l’intégration d’une femme à un univers masculin. N’étant pas familière du nō, Yuri Itabashi devait être exempte de toute appréhension à jouer un rôle qui lui était pas destiné. Pourtant, comme le montrera le début de la pièce de Maxime Kurvers, ce n’est pas si simple.

Une pièce hybride ?

Celle-ci est en effet moins un spectacle nō que la fabrique de ce spectacle. La comédienne raconte, face public, sa rencontre avec l’auteur-metteur en scène, ainsi que le mélange d’appréhension et de fascination provoqué par l’univers du nō, de la dramaturgie aux costumes et aux masques. Il lui fallut notamment, dit-elle, du temps pour oser toucher les masques qui ont fait la renommée du théâtre japonais traditionnel.

 

Aussi la scénographie d’Okina se situe-t-elle à un point de jonction entre le nō et le théâtre contemporain. En fond de scène, une toile peinte représente le fameux arbre pour lequel jouent les acteurs nō. Des guirlandes de papier et des lampions rappellent l’origine religieuse de ce genre. À jardin, les masques qui impressionnent tant Yuri Itabashi sont posés sur une table. Laquelle est sur tréteaux, en bois apparent, rendant visible au public la préoccupation écologique du metteur en scène et du Théâtre de l’aquarium : il s’agit de matériaux de récupération, que les spectateurs et spectatrices ont ainsi tôt fait d’identifier comme tels. Par ce mélange d’éléments scénographiques divers, plusieurs traditions scéniques se côtoient.

 

Toutefois, cette co-présence du contemporain et du traditionnel se fait, sur le plan de l’économie de la pièce, juxtaposition plus que véritable mélange : le long récit, face public, de Yuri Itabashi est, à quelques exceptions près, dépourvu de techniques nō, les danses étant reléguées à la fin du spectacle. Cette structure crée certes une forme de crescendo où la danse masquée apparaît comme une apothéose finale, mais distingue trop fortement la danse du récit et dilue par instants l’attention du public. Si les deux passages dansés sont d’une grande beauté, ils occupent trop peu de place dans l’ensemble de la pièce.

Okina, de Maxime Kurvers, avec Yuri Itabashi. Au Théâtre de l’aquarium jusqu’au 25 janvier.

 

Visuel : © Patrick Berger