Nourrir l’humanité, c’est un métier se définit comme du théâtre documentaire au sein du monde agricole. C’est surtout une prise de parole forte pour sauver les exploitations d’une mort certaine. Grâce aux témoignages d’une soixantaines de familles d’agriculteurs, la compagnie belge Adoc nous embarque dans une traversée sur plusieurs années, émaillée de récits édifiants et parfois poignants sur l’état de ce métier essentiel et propose une réflexion qui se poursuit bien après le spectacle. Un théâtre populaire, humain et pédagogique !
On ne se connait plus. Les citadins et les ruraux. Et l’ignorance mène aux catastrophes.
Partant de ce constat, Charles Culot, fils d’agriculteur et comédien, a enquêté pendant des années, accumulant des dizaines d’heures d’interviews entre la Belgique et la France. Le résultat est édifiant : la réalité agricole est méconnue, les paroles des paysans sont tues, et des drames se jouent au sein des fermes, souvent dans le silence le plus total des médias et des politiques.
Sur la scène installée dans le cadre bucolique des jardins de l’ancien Carmel d’Avignon, on retrouve les traditionnelles bottes de foin, la table de la cuisine sous la lampe en céramique et les chaises en formica. Et puis, il y a cet écran, où sont projetés certains de ces témoignages. Le premier annonce la couleur : il n’a pas de successeur et il doit garder la motivation, surtout avec un salaire qui n’a pas évolué depuis qu’il a commencé. Il semble résigné. Sur le plateau, les deux comédiens reprennent tour à tour les autres récits d’agriculteurs, le ton se fait plus grave.
Des fermiers endettés jusqu’au cou et broyés par le modèle intensif et productiviste qui leur en demande toujours plus. Les primes à l’hectare, la concurrence, la PAC, la paperasserie, l’épuisement, le désespoir…
Sur scène, Charles Culot porte cette parole avec une force et une détermination folle, et reprend parfois à son propre compte, la voix tremblante, certains constats terrifiants : l’agriculture est la profession qui compte le plus de suicides en France et en Belgique, c’est 3000 agriculteurs en moins chaque année, l’équivalent du plan de licenciement d’Arcelor Mittal. Qui en parle ?
La seconde partie du spectacle porte les solutions : la vague des néo-ruraux a relancé l’idée d’une agriculture paysanne plus juste et plus durable. Un changement de modèle menacé aujourd’hui par manque de subventions mais que le spectacle veut défendre, au plus près des enjeux actuels et loin des clichés. Une parole franche, assumée et nécessaire, suivie d’un débat avec un invité différent chaque jour. Un théâtre engagé et engageant.
Nourrir l’humanité, c’est un métier avec Charles Culot et en alternance Valérie Gimenez et Pauline Moureau, mise en scène Alexis Garcia, au théâtre du Train Bleu dans le cadre du festival d’Avignon du 5 au 24 Juillet à 10h20, relâches les 11 et 18 Juillet.
Le Festival d’Avignon se tient jusqu’au 26 juillet. Retrouvez tous nos articles dans le dossier de la rédaction.
Visuel : © Luna Bils