Ce samedi, les Zébrures d’Automne, partie automnale du festival limougeaud des Francophonies – Des écritures à la scène, se sont clôturées à l’Opéra de la ville avec la pièce transdisciplinaire de Patrick Mohr : Murer la peur. Murer la peur au lieu de murer les populations. Et si c’était ça, la solution ?
Deux groupes s’installent sur la scène. Au fond, les instrumentistes ; devant, les comédiens. La pièce commence par une question adressée au public : De quoi avez-vous peur ? Bonne question, à laquelle nous ne savons pas vraiment répondre, tellement il y aurait de choses à dire. Et toutes ces choses, Murer la peur va les aborder. Le climat d’abord. Les guerres ensuite. L’érection de murs entre les peuples : Palestine, Mexique. La lutte des classes. La paupérisation de certains milieux. La place de la femme au sein de la société et de l’espace intime du foyer.
Pour chaque sujet exposé, les acteurs cherchent des solutions dans les textes respectifs de Greta Thunberg, Thomas Sankara et Nelson Mandela, des références connues pour pouvoir s’adresser à chaque public. L’intérêt de la pièce, c’est de rendre compte que les peurs sont universelles ; tant dans la manière de les ressentir que de les combattre en se rattachant à des figures publiques ou politiques fortes. Murer la peur part d’une émotion, d’une réalité qui semble purement individuelle, pour donner une analyse plus globale du monde et, plus large, du collectif.
Ce lien permanent entre l’échelle personnelle et collective apparaît sur scène dès son ouverture. Dans l’un des premiers tableaux, les comédiens prennent la parole, les uns après les autres, en se passant un bâton en bois, comme un relai. La parole subjective est encadrée par cet objet qui structure celle du groupe. Puis, ce sont des dizaines de cet accessoire que les comédiens utilisent pour lier leur propos en dessinant une courbe dans l’espace qui évoque la muraille de Chine. Dans Murer la peur, ces deux échelles sont constamment interrogées.
Après ces moments qui relient et délient, on revendique nos luttes, alors on se dispute. Puis, on se rassemble autour du feu dans un passage qui rappelle les tableaux intimes de Georges de la Tour. Murer la peur raconte que le théâtre n’est pas qu’un lieu pour dénoncer. Il est aussi le lieu pour exprimer de ce qui est interdit de dire ou de contredire dans la sphère intime, pour porter une parole sur le devant de la scène. Nous sommes concentrés sur les actrices qui racontent leur métier, la place de la femme au sein du foyer, la famille pensée comme un groupe sécurisant, ou à l’inverse, cloisonnant.
La pièce de Patrick Mohr n’apporte pas juste un simple constat. Elle s’adresse frontalement au public dans une volonté de transmettre la force de ne pas se murer dans nos peurs. Elle porte en elle une dynamique parfois poétique, comme avec le tableau des jeux d’ombres, parfois plus rythmée. Ainsi, alors que la pièce aurait pu être plus lourde au vu des thématiques qu’elle a souhaité aborder, on ressort de la salle portés par ces spontanéités.
Visuel : © DR
Un spectacle du Théâtre Spirale, en coproduction avec le projet de formation et de développement par le théâtre LE PONT, le Centre Culturel Régional de Thiès et l’ARCOTS de Thiès au Sénégal.
Tournée : du 4 au 10 octobre à La Parfumerie – Genève.