Le grand maître suisse est de retour au festival d’Avignon avec l’une de ses meilleures pièces. Le Sommet nous invite dans un chalet au cœur des Alpes pour un délire absurde sur le but de l’humanité : toujours plus.
Présent depuis 1995 sur les scènes européennes, l’immense Christoph Marthaler ne cesse de travailler l’« Eventuell », ce qui signifie « subordonné à quelque événement incertain, irrégulier ». La recette est toujours la même, que ce soit dans Bekannte Gefühle, Gemischte Gesichter, Das Weisse vom Ei, King Size, Aucune idée, Das Weinen (Das Wähnen)… des personnages sont comme sortis d’eux-mêmes, pris au piège d’un élément extérieur qui leur fait faire des choses absurdes, volontiers décalées par une dose de musique, souvent classique. Là, haute montagne oblige, on entendra plutôt de l’accordéon. Mais avant que les humain·e·s se mettent à devenir les pantins de ce génie du théâtre, il y a un décor à regarder avec attention.
C’est un refuge, visiblement. Tout en bois. Il y a des lits, des couvertures, une armoire de premiers secours (souvenez-vous, il y a quatre ans, dans Das Weinen, le Paradis était une immense pharmacie). Des trappes, pas mal de rangements et surtout, un monte-charge qui est la porte d’entrée de toutes les idées de mise en scène, plus folles les unes que les autres. Sans trop spoiler, on peut dire que tout passe par là : une œuvre d’art iconique, des hommes et des femmes habillé·e·s en tyrolien·ne·s, à manger… entre plein d’autres choses. Tous et toutes.
Chez Marthaler, toujours, les détails sont soignés et porteurs d’humour. Vous ne résisterez pas à une scène de sauna brûlante ou à une réunion « au sommet » où les langues se mélangent dans leur musicalité. Chez Marthaler, on rit de ce que l’on ne comprend pas. Et il assume : on entend les acteurs dire « je ne comprends rien ! » dans une tentative de décaler encore plus, de faire spectacle dans le spectacle. Et le fait de rire de ce que l’on ne comprend pas nous place dans une étrange mélancolie. On sort bizarre d’un Marthaler, toujours, et cette pièce ne fait pas défaut.
La troupe, composée de Liliana Benini, Charlotte Clamens, Raphael Clamer, Federica Fracassi, Lukas Metzenbauer, Graham F. Valentine, excelle en mimiques froides délirantes et en interactions sur le fil du n’importe quoi. Au bout du compte, tout ce que vous pouvez mettre derrière le mot « sommet » est exploité : qu’il s’agisse d’une passion amoureuse ou du dernier G7, tout tourne autour du seul élément de décor dont nous ne vous avons rien dit… vous verrez bien par vous-mêmes ! Marthaler y capte l’air du temps, l’époque qui regarde, asphyxiée, la planète s’effondrer.
In Le Sommet, Christoph Marthaler returns with his signature blend of absurdity, deadpan humour and musical theatre. Set in a remote mountain refuge, the piece features lost characters, bizarre actions, and joyful confusion, anchored by a detailed and multifunctional wooden set.
With his loyal ensemble, Marthaler explores the metaphor of the « summit », romantic, political, existential,turning chaos into poetry and nonsense into a strangely moving mirror of our collapsing world.
في عرض Le Sommet، يعود كريستوف مارتالر بأسلوبه المميز الذي يجمع بين العبث والفكاهة الجافة والموسيقى الحية. تدور الأحداث في ملجأ جبلي خشبي مليء بالتفاصيل المسرحية الغريبة، حيث يعيش شخصيات ضائعة في فضاء يغمره اللاعقل والمنطق المفكك.
يستغل العرض مفهوم « القمة » بكل أبعاده — العاطفية، السياسية، الوجودية — ليحوّل الفوضى إلى شعر واللامعنى إلى مرآة حزينة لعالم ينهار بصمت.
Le Festival d’Avignon se tient jusqu’au 26 juillet. Retrouvez tous nos articles dans le dossier de la rédaction.
Du 3 au 9 octobre à la MC93
Du 10 au 11 décembre / Les Gemeaux
Visuel : ©Christophe Raynaud de Lage