Au Théâtre de la Concorde, jusqu’au 18 février, Marion Corrales revisite sa vie d’enfant mannequin, en nous menant dans sa chambre, par son texte, ses chansons et son humour sur le chemin délicat de la « Beauté intérieure ». Un seule en scène très intime, mis en scène par Céline Salette.
Lorsqu’on arrive à la porte du studio, c’est Marion Corrales elle-même qui nous accueille, toute de blanc vêtue comme le Gilles de Watteau. Lorsque nous prenons place dans les fauteuils cramoisis d’une salle de cinéma, nous nous projetons immédiatement dans l’effervescence d’une chambre d’adolescente. Des fringues par dizaines sont sur le lit, des mobiles pendent et la lumière semble jaillir de tous les côtés dans un opulence quasi-baroque. Elle permet surtout cent projections et retours de fantômes. Parmi elles et eux, les facéties de nouvelle riche de la tante, la maison de banlieue de l’enfance, les jeux avec le frère, les colères du père, et la mère fatiguée et absente. La nounou adorable aussi, mais son mari aux mains baladeuses, intolérable. Et puis, il y a ce cliché où elle est petite, très petite. Elle sourit, figée, c’est son premier travail de mannequin. Et c’est le début de l’engrenage…
En passant par dessus son élégante tenue de Pierrot lunaire plein de costumes, et en chantant aux quatre coins de la pièce en anglais et en français, Marion Coralles nous emmène dans sa vie : elle campe les divers personnages qui l’ont peuplée et nous fait traverser les époques et les âges depuis les années 1990 ; avec cette injonction pour la petite fille mannequin que d’aucuns moquent pour sa rousseur : être belle et surtout faire ce qu’on lui demande. Il y a le passage par les États-Unis, l’altercation libératrice avec le père et, petit à petit, cette capacité de dire « non », puis de revisiter le passé pour le dépasser. C’est intense, c’est terriblement urgent et intime et, en même temps, on rit beaucoup des tableaux esquissées par la petite-fille qui nous raconte comment, lentement, malgré les adversités, elles est devenue femme et aussi mère… sans jamais quitter tout à fait sa chambre d’enfants, propice à tous les spectacles et tous les déguisements, sans aucune contrainte, ni aucune obligation de plaire !
Une spectacle à la fois touchant, drôle, profond et généreux, qu’il faudrait voir plusieurs fois pour en appréhender les contours.
Pour retrouver notre entretiens avec Marion Corrales et Céline Sallette, rendez-vous dans La Discult.