Fondé en 2005 par les danseurs et chorégraphes Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault, le Théâtre du Corps célèbre ses vingt ans en 2025. À cette occasion, le duo nous a ouvert les portes de son centre de formation à Alfortville pour revenir sur cette aventure artistique singulière, entre transmission, création et engagement. La reprise de leur spectacle La Leçon à La Scala marque aussi une nouvelle étape dans leur parcours.
À l’initiative de Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault, le Théâtre du Corps développe depuis 2005 une forme de spectacle vivant où les frontières entre les disciplines s’effacent. Danse et théâtre y dialoguent dans une démarche transversale, nourrie de littérature, de poésie et de musique. Le corps devient un langage en soi, au cœur d’une narration sensible et incarnée.
Pour le duo cult, il s’agit de remettre l’humain et l’imaginaire au premier plan, de se raconter par le mouvement autant que par les mots. L’exploration de textes littéraires soigneusement choisis contribue à cette quête artistique, devenue la marque de fabrique de la compagnie. Depuis vingt ans, elle défend cette vision singulière sur les scènes françaises et internationales.
Depuis sa création, le Théâtre du Corps a donné naissance à une vingtaine de spectacles où chaque œuvre explore une facette différente du corps et de l’humain. De Sakountala à La Leçon, en passant par Lorenzaccio ou encore La Tentation d’Ève, chaque création s’inscrit dans une recherche exigeante, à la fois physique et poétique.
Le Théâtre du Corps a toujours eu à cœur d’explorer les genres, qu’ils soient artistiques ou littéraires. Cette exploration s’exprime à travers une grande variété de spectacles, mais aussi dans la transversalité des formes de danse elles-mêmes : du classique mêlé au contemporain dans Souviens-toi (2005), au hip-hop et à la danse urbaine dans Marco Polo (2008). Le mouvement devient langage, et chaque style chorégraphique un outil au service du récit.
Avec La Tentation d’Ève, la compagnie choisit de recentrer le regard sur la figure féminine, en la libérant des archétypes religieux ou moraux. Pour ce spectacle, le duo a mené un travail approfondi sur la voix, ajoutant une dimension supplémentaire au corps en mouvement. « L’interprète devient sa propre musique », explique Julien Derouault, soulignant l’importance de cette fusion entre parole, souffle et geste.
Ces spectacles, souvent construits autour de figures littéraires ou mythologiques, sont autant de tentatives de raconter autrement, de faire résonner des textes à travers une grammaire corporelle singulière. De véritables icônes également reprennent vie dans leurs créations comme Barbara qui sera interprétée sous les traits de Marie-Claude Pietragalla à l’Olympia les 12 et 13 janvier 2026 (et dans toute la France depuis avril 2025). Cette dernière souhaite « l’incarner à travers la danse » dans un seule en scène qui mêlera ainsi danse, comédie mais aussi chant et poésie. Leur ambition : que chaque représentation soit une expérience sensible, capable de faire vibrer à la fois l’intellect et les émotions.
« Cette envie de pluridisciplinarité et de pouvoir être comme un chef d’orchestre de sa propre personnalité résonne avec la jeune génération »
Le Théâtre du Corps n’est plus seulement une compagnie : il est devenu un véritable lieu d’apprentissage depuis que Pietragalla et Derouault ont ouvert leurs portes à une nouvelle génération de danseurs, au lendemain de la crise sanitaire, en 2021. Le Centre de Formation d’Apprentissage Pietragalla – Derouault (CFA) accueille chaque année quinze élèves pour deux ans d’échange et de transmission artistique, au terme desquels ils obtiennent la certification « Artiste de Théâtre Corporel » (niveau 5 européen, bac +2).
À l’image de la compagnie, les élèves sont encouragés à la polyvalence : ils explorent différentes formes de danse, mais aussi la comédie, où le corps devient leur principal outil d’expression. « Cette envie de pluridisciplinarité et de pouvoir être comme un chef d’orchestre de sa propre personnalité résonne avec la jeune génération » explique Marie-Claude Pietragalla. Le CFA Pietragalla – Derouault se distingue en France par un modèle inédit, combinant les fonctions d’employeur et de centre de formation. Les apprentis sont ainsi employés par la compagnie et intégrés aux spectacles en tournée, une immersion professionnelle particulièrement formatrice. « Il faut absolument aider la diffusion, parce qu’une chorégraphie, c’est comme du vin : quand vous jouez une fois ou trente fois, ce n’est pas pareil. À la centième, vous volez sur scène, et le public reçoit quelque chose d’extraordinaire. Vous payez pour aller voir quelqu’un qui vole », soutient Julien Derouault.
Cette formation s’ancre donc dans le réel de la scène. Nous avons pu assister à une répétition de La Leçon, prochain spectacle à l’affiche de La Scala dès le 11 juin 2025. Initialement imaginé pour sept interprètes, le spectacle est désormais porté par quatorze danseurs et danseuses. Leur jeu et leur gestuelle se prêtent subtilement à l’univers de Ionesco. Dans cette version dansée de la célèbre pièce, Julien Derouault incarne un professeur autoritaire qui manipule ses élèves dans un studio de danse, les faisant évoluer comme des pantins dans des mouvements à la fois gracieux et absurdes — jusqu’à ce qu’une élève vienne tout faire basculer.