Dans une esthétique poussiéreuse, le metteur en scène tente avec La Obra d’articuler un lien factice entre le documentaire et la fiction.
La Obra, en espagnol « la pièce », est le personnage central de cette… pièce. La mise en abyme en est le ressort, très classique. Pensotti nous raconte l’histoire d’un homme d’aujourd’hui, Walid Mansour, qui fait semblant de jouer son propre rôle. Lui a perdu son père dans des conditions atroces. Cela le hante, les cauchemars incessants l’entraînent dans une histoire, cette fois-ci dans le passé, celle d’un juif polonais, Simon Frank, qui aurait passé sa vie à la transformer en… pièce. Les comédiens et comédiennes font semblant d’être les vrais protagonistes, celles et ceux qui ont joué dans la pièce de la vie de Simon Frank. Jusqu’au jour où le pot aux roses est découvert, et le fameux Simon n’est pas celui qu’il prétendait être.
Vous l’aurez compris, nous sommes ici dans un faux théâtre documentaire. Il faut entendre que toute la saison a été marquée par un fort engouement pour le genre. De la Biennale de théâtre de Venise au Festival d’Avignon en passant par le Kunstenfestivaldesarts, le réel le plus concret se racontait de mille et une façons différentes. Ce qui est merveilleux. Comment transmettre une histoire vraie pour la rendre universelle ? Faut-il jouer son propre rôle ? Peut-il être joué par quelqu’un d’autre ? A-t-on le droit de mêler du faux au vrai, puisque nous sommes au théâtre ? Toutes ces questions passionnantes, Mariano Pensotti se les est posées.
Le problème réside à la fois dans la scénographie et dans la direction des comédiens et des comédiennes. Les outils de transmission du récit sont extrêmement datés, dans une esthétique du début des années 2000. Le décor tourne sur lui-même en continu, et quasiment chaque réplique se fait au micro. Un autre rempart à la vérité du jeu réside dans le fait que les scènes sont jouées dans la littéralité de leur description. À écouter, cette histoire – qu’elle soit vraie ou fausse n’a aucune importance – est juste géniale. Mais une fois jouée, elle tombe à plat à cause de son jeu poussif et très corseté. On passe sur la présence artificielle de la musique, des riffs de guitare qui sont censés être la vraie musique de la fausse pièce, et de la lumière qui semble être posée là sans réflexion.
La Obra n’atteint jamais son objectif de « créer une pièce qui ne serait ni réalité ni fiction, qui reprendrait la démarche du théâtre documentaire (sans être du théâtre documentaire) pour révéler dans notre présent des traits de la violence passée ». C’est raté.
Au théâtre de la Cité internationale jusqu’au 26 octobre
Visuel : ©Nurith Wagner-Strauss