Rémi Fortin explore la peur au Théâtre public de Montreuil.
La scène se passe dans le futur : dans un ancien théâtre devenu conservatoire des émotions, deux chercheurs proposent un atelier sur une émotion disparue, la peur. Quel est donc ce sentiment paradoxal, si couru que l’on se pressait, aux XXe et XXIe siècles, dans des trains fantômes, des salles de spectacle ou des cinémas pour l’éprouver ? Mais aussi si terrible qu’il était utilisé par l’État ou les parents pour asseoir leur pouvoir sur leurs sujets et enfants ?
À travers cette étude d’un sentiment particulier, à la fois honni et recherché, c’est donc à une observation de notre société que se livrent Rémi Fortin et ses acolytes. Ils nous placent ainsi dans la peau de Persans du futur, qui consigneraient, non dans des lettres, mais par le truchement d’un spectacle interactif, ce qui, chez nous, leur semble incongru.
Ces Lettres persanes d’un nouveau genre s’ancrent toutefois clairement dans la théâtralité : transformant les spectateurs et spectatrices en participants et participantes de leur atelier, les acteurs s’adressent à elles et eux face public, les entraînant rapidement dans leurs réflexions. Ainsi de l’armature de train fantôme conçue par Simon Gauchet, qui ne se révèle que progressivement et fait de la peur à la fois le thème et la poétique du spectacle.
Surtout, la place accordée à la dimension sonore de la peur – cris, musique de films d’horreur ou marches militaires – fait de l’ensemble de la pièce une réflexion en actes sur le rôle des sons et des bruits dans notre univers, à la fois sources et signes des sentiments qui nous traversent. Certains discours sur l’éventuelle disparition d’émotions comme l’acédie sont sans doute un peu faciles et contestables : il faut aborder L’Usage de la peur comme une comédie pseudo-horrifique et se laisser porter par le jeu constant des acteurs avec les réactions de leur public.
L’Usage de la peur, de et avec Rémi Fortin. Au Théâtre public de Montreuil jusqu’au 22 novembre.
Visuel : © Simon Gosselin