On lui donnerait le bon Dieu sans confession à cette Alex, la bonne copine, qui se pose plein de questions et qui est souvent paumée. Une « bonne personne » comme on dit, qui se définit comme une jeune femme dynamique, hétéro et féministe, bien dans ses pompes, et qui vit comme un poisson dans l’eau dans son 10 m2, son « petit bocal sur soleil couchant ». D’ailleurs, sa vie se résume à un seul objectif, un seul : le CDI. Une vie toute tracée. La sécurité quoi.

Ennuyeux ? Non, pire : « une autoroute d’ennui ». Car Alex, son problème, c’est le vacarme dans sa tête. C’est comme si elle entendait des voix. Des voix qui lui font dire qu’elle n’est pas au bon endroit, qui lui disent d’entrer dans ce bar queer. Elle aime son copain pourtant. Et son crush d’enfance, c’était Jean Gabin. C’est dire que plus hétéro, tu meurs.

Re-naissance

Alors, elle, lesbienne ? Et qu’est-ce que cela veut dire se sentir lesbienne ? Alex suit les indices et s’autorise à ouvrir la porte du bar comme elle franchit un cap.

À travers ce récit auto-fictionné, L’ouvrir parle de ce moment délicat, de ce passage, de cette fragile découverte de sa propre identité. Une sorte de re-naissance, ou plutôt de naissance à soi. Ce franchissement du seuil. Ce moment où tout devient essentiel, évident. Comme quand elle se fait couper les cheveux, un moment sensuel, voire charnel, avec le bruit des lames sur sa peau, qui encapsule en un seul instant cette délicate acceptation mêlée de joie qui est celui du coming out.

Porté par un trio dont on sent la complicité : Pauline Legoëdec, qui porte le récit ; Valentine Gérinière, compositrice et musicienne, qui distille sa touche sensible accompagnée de sa flûte traversière ; et Morgan·e Janoir, autrice et double du futur de son héroïne, dont l’écriture enveloppe par sa douceur et sa poésie.

Récits invisibilisés

Un récit entremêlé d’entretiens avec des personnes lesbiennes et queer de différentes générations, et parfois d’autres époques. Des témoignages invisibilisés, dont la mémoire a souvent été effacée. Des paroles qui viennent en contrepoint de l’histoire d’Alex et qui rendent compte à leur tour du moment de la chrysalide, où tout paraît possible et où le monde s’ouvre. Des moments suspendus qui rendent l’histoire encore plus ancrée dans la réalité, et qui montrent à quel point la société impose ses propres récits, ses diktats et ses codes, et quelles sont les pistes pour les renverser. En restant à l’écoute de soi et des autres. Bouleversant et juste.