Pièce historique autour des Lebensborn nazies, les Petits Chevaux aborde avec une redoutable tension l’éternelle question de la mère comme origine. Présentée à la Reine Blanche, elle est une prouesse d’émotion et d’intelligence. Et elle est bouleversante !
Créés dans toute l’Europe dès 1935 sous l’impulsion d’Himmler (né un 7 octobre, date funeste pour les Juifs ! ), les Lebensborn, pouponnières destinées à reproduire la race aryenne, sont l’une des deux faces de la politique eugéniste et raciste du Troisième Reich. L’horreur de la solution finale nazie se déclinait, d’un côté, en l’extermination des races dites inférieures avec la Shoah, et de l’autre, en l’édification d’une race dite supérieure avec les Lebensborn. Ces maternités ont été implantées en Allemagne et en Autriche, puis sur tous les territoires conquis, dont la France. Elles intégraient également des enfants volés ou raflés à partir de 1942, d’après des critères raciaux. On estime à 20 000 les enfants passés par des Lebensborn.
La pièce écrite par Séverine Cojannot, Camille Laplanche, Jeanne Signé et Matthieu Niango (dont la mère était née dans un Lebensborn) se plonge dans l’histoire de ces pouponnières. Les auteurs ont appuyé leur travail sur des recherches documentaires et des interviews. La pièce est historiquement exacte. Elle est aussi une fiction merveilleusement édifiante. Lorsque Violette apprend que sa mère Hortense (intense Nadine Darmon) a été adoptée, la fille et sa mère se lancent dans une enquête captivante. Elles défieront les Lebensborn, l’adoption, le terrible destin des françaises tombées amoureuses de l’envahisseur allemand. Qui fut la mère d’Hortense et qui est-elle, cette Hortense, née Hortensia, mère de Violette ?
Le texte est sublime et poignant. Il contient une démonstration individualisée de l’horreur des pouponnières nazies. La quête d’Hortense pour son origine enferme autre chose de plus démesuré encore. Celle-ci, aidée par sa fille, est au pied du mur d’une question essentielle : comment être mère sans en savoir assez sur la sienne ?
La pièce met nos esprits en ébullition. Elle condense avec beauté et rigueur autant de questionnements que d’impasses, autant d’énigmes que de béances. Elle est un panorama de conjectures sur la maternité et sur sa cause. Émotions garanties ! La mise en scène adopte une dynamique du trajet, entre trouble et syncope. Les comédiennes et le comédien semblent transpercés à la fois par la barbarie et par l’humanité, finissant de construire l’immense vertige que nous avons à affronter.
Par impératif, car la pièce est poignante et nécessaire !
Les petits chevaux, une histoire d’enfants des Lebensborn, à la Reine Blanche jusqu’au 09/03/24 ; durée : 1:25
Texte : Séverine Cojannot, Camille Laplanche, Matthieu Niango, Jeanne Signé.
Avec : Florence Cabaret, Séverine Cojannot, Nadine Darmon, Samuel Debure.
Mise en scène : Jeanne Signé.
Visuel : affiche