Dédié à la jeune création, le théâtre L’Étoile du nord, situé dans le XVIIIe arrondissement de Paris, accueille jusqu’au 26 janvier le nouveau spectacle de Pauline Susini, Les Consolantes.
Comment réagit-on à un événement traumatique ? C’est cette question que Pauline Susini a décidé d’étudier dans ce spectacle tourné vers un exemple précis : l’impossible deuil des rescapé.es des attentats parisiens du 13 novembre 2015. Pour ce faire, l’autrice et metteuse en scène a travaillé avec un laboratoire de recherche dédié à la mémoire de cet événement et a suivi une partie du procès.
L’objet de Pauline Susini est moins de travailler sur l’événement lui-même que sur les béances qu’il laisse ouvertes, sur les injonctions à la « résilience ». Métaphore de ce travail jamais achevé, la scénographie de Camille Duchemin emmène le public dans un décor de théâtre bâché, lui-même toujours en reconstruction.
Le spectacle accorde également une large place à la filouterie – pour rester sympathique – des fonds d’indemnisation, qui, bien sûr, mettent tout en œuvre pour indemniser le moins possible. Comment « faire son deuil »quand sa douleur est niée ? Le spectacle est ainsi composé de deux principales périodes : la première accorde une large place à la douleur des survivant.es, tandis que la seconde les met aux prises des méandres kafkaïens de l’administration. Cette structure duelle correspond à une bipartition des émotions : à la première partie les larmes, à la seconde le rire un peu nerveux.
Peut-être est-ce là le principal reproche que l’on peut adresser à ces Consolantes : le texte tombe volontiers dans un pathos inutile, souligné d’ailleurs par quelques coups de violon sans autre fonction que de mettre en évidence la tristesse des personnages. Ainsi, la première partie plonge le public dans un abîme de témoignages dont le pathétique repose moins sur la précision des descriptions que sur une langue exagérément ampoulée et imagée.
En revanche, la seconde partie met en place un humour satirique qui, pour n’être pas d’une grande originalité, fonctionne et met bien en valeur le cynisme des compagnies d’assurance et autres fonds d’indemnisation, mais aussi des querelles entre médecins qui ne sont pas sans rappeler les arguties spécieuses d’un Diafoirus.
Le tout donne un spectacle honnête, qui ne modifie pas notre regard sur les attentats et leurs conséquences, mais pose la question de « l’après » et de sa légitimité : peut-on (et doit-on) se tourner vers l’avenir, au risque d’oublier les morts et de nier ses propres traumas ?
Les Consolantes, de Pauline Susini.
Du 24 au 26 janvier 2024 – L’Étoile du Nord, Paris (75)
Du 30 janvier au 9 février 2024 – Théâtre 13, Paris (75)
Le 16 mars 2024 – l’ECAM, Kremlin-Bicêtre (94)
Visuel : ©Christophe Raynaud de Lage