Nous voici rassemblé.e.s en cercle. Sur chaque chaise se trouve un petit papier et un petit stylo. La comédienne et magicienne Claire Chastel nous demande d’inscrire « une question que vous vous posez et à laquelle vous aimeriez vraiment avoir une réponse ». Une question sincère. On obéit, elle récupère les trésors, et ça commence.
Au centre du centre, il y a une table et des cartes. Elle s’installe rapidement au cœur du public et raconte comment, en 2012, une voyante lui a prédit qu’elle finirait sa vie seule. Vrai ou faux ? On s’en fout. On décide de la croire. Pourquoi ? Parce que parfois, dans la vie, il faut savoir baisser sa garde. Alors, on se laisse faire par son parcours. Elle affirme s’être plongée, de la France à l’Inde, dans les arts de la prédiction. Pourtant, elle ne se définit pas comme une voyante. Plus le spectacle avance, plus on comprend qu’au-delà du caractère ludique de l’expérience, le sujet soulevé est plus profond. Le seul sujet est que, comme le chantait Maurane, au bout du compte, on est toujours tout seul au monde, à espérer pouvoir mourir le plus tard possible (140 ans au moins) et surtout, mais alors surtout, que la seule personne capable de répondre à une question que seul.e, nous nous posons, eh bien, c’est nous. Mais avant, jouons, puisqu’il est encore temps.
La comédienne va commencer à battre et rebattre les cartes dans un geste collectif et collaboratif. Elle distribue et commence à nous prouver qu’elle gère. Il y a cette femme qui tire L’Amoureux et Le Pendu et à qui elle dit : vous vivez une histoire d’amour compliquée, c’est un homme, son prénom commence par un… je pense. La femme se décompose dans le public et acquiesce, sidérée. La comédienne dit et répète qu’elle n’a pas la réponse au dilemme. Et elle avance comme ça, en désignant au pif des gens dans le public et en devinant, à coups de jeux de prédictions, des faits tous plus exacts les uns que les autres. Plus ça avance, plus nous sommes impressionné.e.s. Mais ça, dans un festival de magie, on s’y attend à se dire « mais comment fait-elle ? C’est quoi le truc ? » Ce n’est pas, vous l’avez compris, le plus intéressant.
Le spectacle autorise à croire en des choses pas forcément très rationnelles, de la même façon qu’il y a très longtemps, on croyait fort à la petite souris qui passait sous l’oreiller nous filer de la thune pour une dent perdue. Alors, pourquoi ne pas croire qu’un pendule ou des étoiles puissent nous guider ? Est-ce si absurde ? Nous guider, oui, mais, rappellent Les Clairvoyantes, pas à abolir notre libre arbitre. Voir des signes, sentir des « choses », sentir des gens, avoir la sensation que des âmes se connectent même éloignées, Claire Chastel prouve tout cela, mise en scène par Camille Joviado. Elle prouve aussi qu’être en pleine conscience d’une vision un peu moins rationnelle du monde peut ouvrir vers un beau monologue de pur théâtre sur les croyances et, à spectacle à double entrée, une ludique et une plus ésotérique. Alors, vous, vous voulez vraiment avoir cette réponse à cette question qui vous taraude ? On ressort de là en se disant à soi-même que la question n’en est pas une, qu’elle est, elle aussi, un guide de vie, une direction à prendre, quelles qu’en soient les modalités.
Le festival 100% Magie se déroule du 25 mars au 05 avril 2025
Visuel : Les Clairvoyantes © Célia Bolzoni