Dans sa mise en scène des Bonnes, Marcos Malavia nous offre une réécriture latino du texte de Genet. Une scénographie aux couleurs chatoyantes nous surprend : un lit au pied duquel l’on trouve un portrait de Genet en guise d’autel, un portique orange fluo orné de têtes de mort, les fleurs s’entrelaçant au barreaux du lit qui préparent un lit de mort pour Madame…
Claire (Amélie Dumetz) et Solange (Victor Quezada Perez) complotent contre Madame (Marcos Malavia) : elles ne supportent plus de vivre dans son ombre et de répondre à ses ordres. Genet s’était inspiré du fait divers du crime des sœurs Papin ayant assassiné sauvagement leur maîtresse de maison comme on prépare un lapin… Les bonnes profitent donc de l’absence de leur maîtresse pour s’emparer de ses oripeaux et répéter le crime dont elle rêve ; Madame, elle, en grande tragédienne, s’effondre sur son lit et s’adonne à ses turpitudes bourgeoises : Monsieur est en prison, elle le suivra jusqu’au bagne en Guyane pour prouver la pureté de son amour… Pendant ce temps-là, Claire et Solange rient jaune !
Soudain Madame (Marcos Malavia) fait son retour sur un inoubliable pas de danse avec Yma Sumac pour toile de fond sonore. Le ton est donné et les contrastes s’exacerbent : il n’y a pas de lien authentique possible entre classes sociales différentes mais seulement une relation de pouvoir. Coup de maître : la mise en scène nous offre une Claire et une Solange — solidement campés par Amélie Dumetz et Victor Quezada Perez — en clowns. Dès lors, comment lire cette revisite ? Le clown apporte une dimension comique et grotesque, presque burlesque aussi, au texte d’origine. On pourrait donc imaginer que Claire et Solange ont tout à fait conscience du tragique de leur condition, du fait que jamais elles ne pourront renverser la relation de pouvoir dont elles pâtissent. Loin d’être des soeurs folles et fusionnelles, elles seraient des clowns désespérés qui réfléchiraient notre propre image à nous spectateur.ice.s. Car qui n’a jamais subi une situation où l’autre nous domine sans pouvoir déjouer sa puissance ?
L’emploi du masque — on n’oubliera pas la danse d’Amélie Dumetz arborant un masque de mort, sa silhouette et ses haillons qui se découpent sur fond noir lors du dénouement — nous fait aller plus loin dans la prise de distance d’avec le texte d’origine. La mort rôde dès le début et la langue de Genet est jouissive ; un peu comme si à l’inéluctable de la condition prolétaire répondait un déchaînement langagier qui se savoure… Citons par exemple le « rot silencieux de l’évier » dans la bouche de Solange (Victor Quezada Perez). Mais c’est sans compter la danse émouvante de Claire (Amélie Dumetz) sur la lyrique « LIorona » de Joan Baez. Comme ce fantôme issu du folklore hispanique (la LIorona), les bonnes arpentent la chambre de Madame et cherchent à se défaire du rôle arbitraire qui leur a été donné de jouer toute une vie…
À voir et revoir donc !
Du 03/07 au 12/07
à 15h
au Théâtre du Collège de La Salle
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