Le Tg STAN, dont l’acronyme signifie « Stop Thinking About Names », est un collectif d’artistes belge vieux de trente-cinq ans. C’est surtout sa méthode de travail qui lui vaut sa renommée : une organisation horizontale, qui refuse le vedettariat et la notion d’auctorialité individuelle. Ainsi, même si chaque proposition peut être portée de façon privilégiée par l’un ou l’une de ses membres, c’est tout le collectif qui signe. A propos d’Elly ne fait pas exception, qui s’inspire du film éponyme d’Asghar Farhadi.
Un petit rappel sans doute bienvenu : le film de Farhadi raconte l’histoire d’une bande d’ami·es de Téhéran venant, le temps d’un week-end, se reposer au bord de la mer. Sepideh, jouée par Golshifteh Farahani, y a invité Elly, l’institutrice de sa fille, dans un but bien précis : œuvrer à la rencontre et, pourquoi pas, au mariage, avec Ahmad, qui vient de divorcer. Les deux se plaisent et l’affaire semble en bonne voie. Mais Elly doit partir avant la fin du week-end : elle aurait annoncé à sa mère qu’elle ne resterait pas longtemps. Alors que Sepideh paraît l’avoir convaincue de prolonger quand même son séjour, la jeune femme disparaît. S’est-elle noyée ? A-t-elle finalement décidé de rentrer à Téhéran ?
L’on ne divulgâchera rien en indiquant, dès maintenant, que le mystère restera entier : ce qui intéresse le réalisateur iranien est moins sa levée que la façon dont les un·es et les autres tentent de négocier avec la culpabilité, allant, pour certains, jusqu’à faire porter la responsabilité à la disparue. Sepideh, si gaie, et même un rien irresponsable au début du film, s’enferme dans le chagrin. Farhadi joue alors du fort contraste entre une ouverture insouciante et chantante et une fin faite de larmes et de cris.
La proposition du Tg STAN diffère sur bien des points. Le choix a été fait de prendre les dialogues du film comme des dialogues de théâtre, sans chercher à rendre compte de son esthétique. La pièce l’entraîne même, avec sa toile peinte, sa bâche figurant la mer et son décor de fortune, vers un univers complètement différent. Les lieux du film sont à vocation réaliste, avec des murs gris, des marques de moisissures et des flots un peu ternes. Dans la pièce du Tg STAN, en revanche, le décor affirme la théâtralité de la pièce.
De ce fait, le propos change lui-même peu à peu. L’histoire reste certes la même, mais le sujet évolue. Les enfants, témoins et prétextes à l’histoire – puisque, sans la fille d’Elly, il n’y aurait pas de maîtresse d’école et donc pas de disparition – sont joué·es par des adultes qui assument leur qualité de grande personne, avec barbe et grosse voix. L’âge de leur personnage est donc verbalisé par des métalepses (« Je suis un enfant ») qui transforment l’œuvre en une pièce sur l’adaptation théâtrale.
Autre conséquence de ce choix : au contraire de celui du film, le ton de la pièce ne suit pas d’évolution. Les incursions métathéâtrales mentionnées ci-dessus uniformisent la soirée en maintenant, du début à la fin, un ton humoristique, sinon primesautier. Le sérieux n’en est pas pour autant exclu : le comique est aussi celui de la satire, qui donne à voir l’hypocrisie de ces bourgeois·es en vadrouille. Il n’empêche : cet arasement fait perdre au public une part de l’épaisseur du film et le transforme en une banale comédie de mœurs.