Sébastien Amblard s’est saisi d’un fait divers tragique, la mort par douze coups de couteaux d’une jeune transgenre, pour en tirer un spectacle renversant.Douchka est le récit d’une vie qui bascule, à découvrir au Train Bleu pendant le Festival Off d’Avignon.
Douchka n’est pas tout à fait née Douchka. Elle est née dans un corps « dont le sexe lui fait horreur », le corps d’un homme. Mais Douchka ne se sent pas homme. « Je me regarde au masculin et je me parle au féminin, je me perds ». Qui est-elle ?
Le texte de Sébastien Amblard est une quête d’identité, une recherche du soi, du moi intérieur. Et pour se trouver, Douchka s’est perdue, encore plus loin. Emportée dans un monde de violence où son corps n’est plus respecté, ne lui appartient plus. Par amour, elle s’est faite prendre, pour l’amour elle a du accepter l’inacceptable. Du moins, c’est ce qu’elle se dit, pour se raccrocher, se cramponner à la seule chose qui peut la porter, pour éviter de sombrer, pour se donner une raison d’exister.
Douchka est le récit d’une vie broyée, d’une fille qu’on utilise telle une poupée, qui est objectifiée. Un pantin malléable à la merci de ceux qui la tiennent et la détiennent, un pantin qu’on peut prendre et jeter, tel un déchet. « Mon sang s’écoule dans le caniveau, comme ma vie, sans bruit ». Douchka était née la rage au ventre, une petite révolution dans un monde froid. Douchka a su s’affirmer, assumer sa transidentité. Mais ça n’a pas suffit, ça ne suffira jamais.
Au monologue se greffent des instants de danse. La comédienne Marion Lambert fait de son corps son moyen d’expression. Sa gestuelle est souple, gracieuse, emplie d’un élan vital que sublime la musique électro composée par Olivier Lautem. Sur la barre de pole dance, elle attire tous les regards, elle se soulève du sol, s’envole, légère. Elle ne peux plus s’écraser, du moins c’est ce qu’elle croit, à ce moment-là.
Plus le récit avance et plus le jeu de Marion Lambert se teinte de douceur, à laquelle se greffe lentement la douleur, la peur, l’incompréhension. Son visage se transforme, modelé par le désespoir. Son corps se fait plus fragile, il oscille, il vacille.
Douchka est une histoire dramatique dont le final paraît programmé. Il agit telle une réponse logique à une violence bien trop présente. Les mots sont choisis avec délicatesse, ils se découlent lentement et frappent, inévitablement.
Au Théâtre du Train Bleu du 7 au 25 juillet. Relâches les jours pairs.
Visuel : ©Sébastien Amblard, Marion Lambert dans Douchka