À quel moment sombre-t-on dans le monde de la nuit ? Pourquoi passe-t-on de la lumière à l’ombre ? Que disent les ténèbres sur ce que l’on est ? Que suis-je quand je me suis perdue ? Qu’on m’a perdue ? Ce sont toutes ces questions qu’aborde la pièce Une Vampire au Soleil présentée à la Manufacture pendant le Festival OFF d’Avignon.
Marik Renner est debout au milieu de la scène, elle ne bouge pas. Son regard est perdu dans le vague, un regard qui happe et ne vous lâche plus. Elle raconte une histoire, celle d’une Vampire, celle d’une rencontre qui a changé sa vie, qui l’a changée à vie. Cet instant où elle bascule dans l’autre monde, celui de la nuit, du sang, ce liquide si particulier « qui a sa manière propre de s’adresser à l’espace autour de soi ». Elle raconte ce moment où elle a quitté le monde des vivants pour celui où l’on ne meurt pas, mais… « l’éternité, ça craint », être un vampire, ça craint. Le quotidien ne sera plus jamais le même, la lumière l’a quitté, les ombres ont gagné. Et si ce qu’on dit cachait autre chose ? Des mots pour déguiser la réalité, la transfigurer ?
Une Vampire au soleil est le récit d’une transformation non désirée, une métamorphose qui habite et détruit. La voix envoutante de Marik Renner se mêle à la guitare, au looper de Marien Tillet et à sa voix. Il est là sur scène, assis sur son banc et ses musiques appuient chaque instant et les rendent plus vivants, plus puissants. Il est là, comme un double, un être dont les paroles entrent en écho avec celles de la Vampire, il la guide dans ses pensées, car elle ne sait plus où aller.
« La nuit est un monde de blessés », et la Vampire plonge en son sein. La comédienne ressent tout en elle, mais ne bouge pas, comme figée dans cette éternité. Elle tente de crier, mais rien ne sort, alors elle parle et ses gestes sont petits, recroquevillés, tétanisés. Une tension sort de ce corps qui est incapable du moindre mouvement et dont chaque pore laisse échapper la tension. Alors quand elle se déplace, on ne peut que la regarder, elle peut bouger, mais arrivera-t-elle à s’échapper ? Elle qui ne peut plus contrôler qui elle est.
Une Vampire au soleil est un récit déguisé, porté par une comédienne qui envoute et qu’on écoute. Les mots se mêlent les uns aux autres, les évènements se répètent et se figent. On est perdu dans un temps qui avance et recule, un temps qu’il devient difficile de reconstituer. De quoi nous souvenons-nous ? Qu’est-ce qui tient de la réalité ou du rêve éveillé ? Celui que l’on croit avoir vécu, mais qui n’est qu’invention et reconstitution ? Un récit psychanalytique qui nous emmène aux tréfonds de la pensée, un récit auquel on ne peut que s’accrocher, comme hypnotisé.
Une Vampire au soleil est une pièce à découvrir pendant le Festival d’Avignon et qu’il faut découvrir. Chacun peut devenir un vampire, il faut pouvoir le dire.
Du 7 au 24 juillet à La Manufacture. Relâches les 12 et 19 juillet.
Mise en scène : Marien Tillet ; Interprète(s) : Marik Renner, Marien Tillet ; Scénographie : Samuel Poncet ; Son : Pierre-Alain Vernette ; Régie en alternance : Laurent Le Gall & Tom Dekel ; Diffusion : Label Saison.
Visuel : ©JO, Marik Renner dans Une Vampire au Soleil