 
  Remise de son malaise de la semaine précédente et débarrassée des dreadlocks de son dernier tournage, Carole Bouquet lit avec intensité le texte qu’Émilie Frêche a écrit sur les dix derniers jours de Samuel Paty en octobre 2020. Mis en scène de manière volontairement minimale par Muriel Mayette-Holtz à La Scala, « Le professeur » décrit avec justesse un engrenage insoutenable.
À 19 h 00 précises, dans la grande salle de la Scala, Carole Bouquet entre en scène dans un ensemble pantalon fluide, les cheveux lisses et blonds, des mocassins aux pieds. Elle bouge à peine, seul son visage est très éclairé. L’altière actrice tient à la main le texte d’Émilie Frêche dont elle lit tous les dialogues. Et elle présente tous les personnages des derniers dix jours du professeur d’histoire-géographie, poignardé et décapité pour avoir montré dans son cours sur la Liberté d’expression une caricature puisée dans les stocks mis à disposition pas l’Éducation Nationale. C’était dans une classe de 4e, il a annoncé le cours et proposé à tous celles et ceux qui le souhaitaient de sortir de classe. Et pourtant … De la proviseure aux assassins en passant par les collègues, les parents d’élèves et les policiers, on suit les échanges qu’il a pu avoir, et qui mènent à l’inéluctable.
C’est à la fois un témoignage de basculement de vie absurde, terrible et insupportable, mais aussi un point d’entrée vers un changement de monde que nous convie la pièce. Avec une musique à peine audible, quelques écritures de réseaux sociaux projetées sur un écran et l’aridité de voir Carole Bouquet coupée dans son jeu par la lecture du texte, on entre de plain-pied dans un cercle de l’enfer. Tout ce que peut dire Samuel Paty est retenu contre lui, on l’accuse d’avoir froissé ses élèves, d’être raciste et une plainte a été déposée contre lui pour avoir montré des visuels obscènes. La peur monte, la terreur même et les lâchetés environnantes participent de cette machine infernale. Le texte d’Émilie Frêche touche droit au but et tente de redonner voix à un Professeur qui fait face à la plus absurde des injustices et des menaces. Carole Bouquet est délicate, touchante, presque timide et un peu entravée par ses feuilles, tandis que le public est concentré et horrifié. Une pièce juste et importante, à voir jusqu’au 14 décembre à La Scala.
Jusqu’au 14 décembre 2025, à la Scala
 
  
  
  