Louise Bénichou (Maïa) et Marion Brest (Alicia) incarnent deux pré-adolescentes franchissant « le grand pas » de la quatrième. Le texte et la mise en scène sont de Cédric Orain : c’est drôle, c’est fin, et c’est remarquablement bien incarné.
Louise la caustique et Maïa la sensible rentrent en quatrième ; malheureusement, elles ne sont pas dans la même classe. Elles anticipent avec un peu d’angoisse cette année à venir, dont tout le monde semble dire qu’elle constitue un pas à franchir par rapport aux autres années. En plus, Maïa a Mme Leblanc en français ; il paraît qu’elle est grave sévère… D’emblée, l’on est séduits par la justesse de ton et par l’incarnation des deux comédiennes pour qui ces deux rôles semblent taillés sur mesure ; cela tient à la gestuelle à la fois gracieuse et maladroite, au maintien des corps, aux sacs Eastpack balancés avec entrain ou lassitude, aux zestes d’un langage pré-adolescent qui tombe toujours juste – on pourrait presque regretter parfois qu’il n’y ait pas un peu plus de mots ou expressions « colorées » à la sauce pré-ado dans les dialogues. Cela dit, l’essentiel est là ; on y croit vraiment, en vertu de cette vérité adolescente qui transparaît dans la parole et dans les gestes.
« Le journal de Maïa », c’est le récit de vie d’une jeune fille de treize ans qui traverse ses premières crises ; ses relations avec ses parents sont encore celles d’une enfant mais elle commence à se disputer avec Alicia, et ses devoirs lui semblent insurmontables… Bref, Maïa commence à ne pas aller très bien. Un jour, devant le portail de l’école, une boule au ventre l’empêche de franchir les grilles ; les autres savent où aller, comment passer leur journée, mais elle se sent incapable de faire comme eux. L’adolescence, ou le début de l’apprentissage de la comédie sociale quotidienne ; voilà peut-être ce que comprend intuitivement Maïa, qui rêve la nuit d’une grotte où se regardent dans l’eau d’un lac des adolescentes souriantes, et pour qui les choses semblent faciles, alors qu’elle n’arrive même plus à prononcer son prénom. Ce passage de narration onirique est sans doute l’un des plus beaux du spectacle, qui montre la difficulté à être des adolescent·e·s, à une époque où tant de choses changent, où les fondations d’un être en constante évolution tentent tant bien que mal de se construire…
« Personne n’aurait soupçonné dans la chétive Lucile les talents et la beauté qui devaient un jour briller en elle » lit Maïa émue en récitant un extrait du premier chapitre de «Mémoires d’Outre-tombe » de Chateaubriand, roman prescrit en cours de français qu’elle lit à l’abri chez elle, dispensée pour un temps de collège. Bien sûr, elle-même s’identifie à Lucille, chenille malingre qui éclora bientôt pour devenir papillon. Petit à petit, Maïa trouve la force de surmonter son angoisse, phobie scolaire ou petite dépression ; elle retourne au collège et y retrouve Alicia. On la sent plus épanouie, plus heureuse de penser à « la femme » qu’elle deviendra plus tard ; car elle est aussi là, la beauté de l’adolescence, dans cet horizon des possibles inentamés que ressentent bien Maïa et Alicia, malgré leurs différences.
Spectacle à retrouver du 5 au 24 juillet au théâtre du Train Bleu à 09h45 / 50min / relâche les 11, 18 juillet
Le Festival d’Avignon se tient jusqu’au 26 juillet. Retrouvez tous nos articles dans le dossier de la rédaction.
Visuel : © Clément Foucard