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« Le Jour où j’ai compris que le ciel était bleu », le chant d’une vie au Off d’Avignon

par Lucine Bastard-Rosset
15.07.2023

Le Jour où j’ai compris que le ciel était bleu est pièce qui attire notre regard et ne le lâche plus. On est pris dans l’étau bouillant de la vie d’une jeune femme autiste, Claire, dont on ne sait s’il va se refermer. Un magnifique spectacle porté par un jeu d’une grande subtilité à découvrir au 11. Avignon pendant le Festival Off d’Avignon.

Deux univers qui communiquent

« J’ai tellement mal que j’ai l’impression de mourir à l’intérieur ». Claire s’exprime dans son jargon, avec ses mots, ses expressions, qui reflètent sa manière de penser, différente de la notre. Son corps entier est un récepteur continuellement ouvert qui perçoit le monde autrement. Pour elle, le moindre contact physique est une intrusion dans son univers, elle ne connait pas les filtres qu’il faut appliquer en société. Mentir ou omettre est pour elle impossible, alors elle s’exprime sans aucune barrière. Claire est atteinte d’un trouble du spectre autistique et d’une déficience mentale mais n’a jamais été diagnostiquée. Jusqu’au jour où elle commet un acte qui la mènera devant la justice.

Le Jour où j’ai compris que le ciel était bleu est un récit émouvant qui fait s’entrecroiser le rêve et la réalité. L’espace scénique symbolise cette fracture perméable avec ces deux espaces frontaux qui se répondent et se complètent. D’un côté se trouve la chambre d’hôpital psychiatrique où séjourne Claire, son lieu à elle où exprime ses désirs, où elle chante, elle qui ne rêve que d’une chose : passer à l’émission To be a Star et devenir chanteuse. De l’autre côté, il y a cet espace d’investigation où elle doit faire face à des questions intrusives qui lui font peur. Psychiatres, policier, avocat s’y relayent pour essayer d’accéder à son univers mental.

Un jeu continuellement juste

L’écriture de la pièce est bercée de poésie. Les chansons qui la ponctuent offrent des moments hors du temps. Elles sont une respiration dans un monde où l’on cherche continuellement à tout comprendre. Claire, elle, ne comprend pas ce qu’on lui demande et pourquoi on lui pose toutes ces questions. Sa fragilité transparaît dans le jeu singulier de la comédienne Pauline Cassan qui a composé toute une gestuelle pour interpréter cette jeune femme autiste. Ses mimiques, sa voix, ses intonations, son regard, lui permettent d’exprimer des sentiments avec beaucoup de subtilité. Elle illumine le plateau de sa seule présence et la scène finale achève magnifiquement sa prestation.

Il faudrait en dire de même des autres comédiens. Anthony Binet incarne un frère à la fois rustre, doux, colérique, éreinté et aimant. C’est un homme qui a consacré sa vie entière à sa sœur, qu’il trouve par moment si égoïste, mais qu’il a du mal à laisser partir. Claire est son fardeau et son ancrage et cette ambivalence est perceptible dans ses actions et réactions. Sylvain Porcher incarne Antoine, le psychiatre en charge de Claire. On sent dans son regard toute la tendresse qu’il porte à cette femme, tout l’espoir qu’il place en elle. Et puis il y a Odile Lavie dans le rôle de la policière dépassée par l’enquête à sa charge, car elle ne sait pas comment parler avec Claire. Son besoin ardent de savoir la vérité lui coupe toute empathie ; elle fait son métier, c’est tout.

Le Jour où j’ai compris que le ciel était bleu est un hymne à la vie qu’il faut respirer. Une pièce qui vous fait sentir « des plumes dans le ventre ».

Au 11. Avignon du 7 au 26 juillet à 16h40. Relâches les 13 et 20 juillet.

  • Auteur : Laura Mariani
  • Interprète(s) : Pauline Cassan, Anthony Binet, Sylvain Porcher, Odile Lavie, Vincent Remoissenet, Alice Suquet
  • Dramaturgie : Floriane Toussaint
  • Scénographie : Alissa Maestracci
  • Son : Romain Mariani
  • Lumières : Romain Antoine

Visuel : ©Clémence D, Pauline Cassan dans Le Jour où j’ai compris que le ciel était bleu