Pour raconter le drame de Gloria, Sarah Delaby-Rochette met pour la première fois en scène le tout premier texte de Marcos Caramés-Blanco, Gloria Gloria. Elle y convoque un récit à plusieurs tonalités, plusieurs points de vue, pour nous immerger dans un sordide fait divers.
C’est l’histoire d’une petite vie. La vie de celle qui se fait appeler Gloria (Gaïa Oliarj-Inés) mais que son mec, José (Benoît Moreira da Silva) surnomme la grosse. C’est l’histoire d’une femme, jeune, qui mène une petite vie dans un tout petit endroit bien oublié des services publics. Pas de métro, pas de bus, pas de train. Juste une route, la même, tous les jours la même. Une route autant symbolique que réelle. Elle commence par un réveil deux heures trente avant de s’extraire de chez elle. Pourquoi tant de temps ? Pour quoi faire, Gloria ? Et puis ce jour-là, elle s’enflamme, elle réalise malgré elle, et surtout contre elle, que sa routine la rouille. Elle pourrait juste faire sa valise et partir, mais cela ne se passe pas comme ça, cela ne se passe pas rationnellement.
La scénographie d’Andréa Warzee est très élégante. Elle se compose d’un cadre en arrière-scène qui devient un cabaret, le chemin qui mène Gloria de sa maison à son travail chez Paule, la dame âgée dont elle s’occupe toute la journée, le chemin retour, avec, au bout des écouteurs, sa meilleure amie, Rita (Katell Jan). Au centre du plateau, une table-scène permet à Thibaut Farineau de doubler le son en direct. Il y a cette idée, pas neuve certes, mais bien réalisée, de chercher à faire entendre cette histoire. En adresse directe, Rita raconte. Gloria fait et répète, dans les mêmes mots. Gloria répète, comme si sa vie était un coup d’essai.
Lucas Faulong est la fée qui veille sur la pièce. Sa présence est celle d’une créature. Elle chante, conte, raconte et puis se révèle, en perruque et présence, comme l’ange gardien des âmes perdues. La mise en scène et le texte sont nourris de pop culture. On y mange mal, on écoute des tubes sans savoir si on les aime parce qu’il faut ou parce qu’ils sont vraiment bien. La pièce fonctionne dans une très belle progression. Gaïa Oliarj-Inés est autant captivante que glaçante. Elle est toujours entre deux : le vrai/le faux, la raison/la passion, l’amour/la haine. On regrette une fin un peu trop rapide, on aurait aimé continuer à rouler avec eux (on ne vous dira pas qui !), jusqu’au bout, jusqu’à la chute.
Jusqu’au 20 décembre, à Théâtre ouvert
Puis en tournée : le 1er février à la Halle aux grains à Blois puis du 3 au 13 avril au Théâtre des Célestins à Lyon.
Visuel : ©TO