Elle apparaît en clown dansant, le nez rouge et le sourire aux lèvres. Garance Legrou appartient aux années 70. Elle raconte durant une heure son enfance, ses bonheurs et ses peines. C’est joyeux et un peu triste au Théâtre des Béliers.
Le titre à rallonge résume une contemplation et une déception. Celle d’une génération qui a voulu penser l’avenir et qui n’a définitivement rien compris : There is no alternative ou comment l’injonction individualiste et ultralibérale des années 80 et ses conséquences sur notre époque contemporaine me fait reconsidérer la portée symbolique de la coupe mulet. En une périphrase où chaque mot est une erreur, elle nous explique comment chaque individualisme ne présageait pas des communautarismes à venir, et comment, déjà, les foules hurlaient à un libéralisme qui, à l’instar des vols de sacs dans les cinémas, se prétendait en recrudescence.
Garance Legrou raconte avec délice la plainte enfantine des années Mitterrand. Elle fait semblant de ne pas avoir vu que cette plainte était celle de la légitimité égoïste et de l’autorisation à vivre, à parler. De ce quant-à-soi viendront, plus tard, les crises identitaires.
L’artiste est formidable. Elle est attachante. Elle saisit son public. Le clown chemine au sein de ces années de fondation. La bande-son finit d’assurer le plaisir du spectateur. Son constat pourrait être amer. Cette génération enchantée ne savait pas que viendraient Facebook, les smartphones, les attentats ou la Covid. Que la radicalité empoignera tous les discours. Le constat est au contraire joyeux.
Elle explique : « Depuis que je suis enfant, je cherche à donner un sens à ce qui n’en a pas. Quelques personnes m’y ont aidée : Pierre Desproges, Romain Gary, Gotlib, Franquin ; ils m’ont élevée. Ma tante Marie aussi, qui m’a appris que tout est politique, se déconstruit et finit dans une danse. Mon père, enfin, qui m’a dit : tout est une question de perspective. Pour avoir son propre point de vue, il faut quitter la route et marcher à côté. Le pire et le meilleur conseil de vie. Le seul qu’il m’ait donné. Alors, je l’ai suivi.»
Avec ce seule en scène, elle offre une philosophie simple, sans conviction ni manifeste. Elle invite à procéder à un tendre devoir d’inventaire d’une génération qui aura lutté, mais qui n’aura rien compris. La pièce est optimiste. Puisqu’elle nous aide à relativiser, elle apaise les conflits actuels. C’est formidable. Très instructif.