Le Théâtre public de Montreuil propose actuellement une Carte blanche à Eva Doumbia. Avec, au menu, une très belle exposition de Nadia Valentine sur la colonisation française aux Antilles, la projection de Emitaï de Ousmane Sembène ou la programmation de Devoirs surveillés et Autophagies. Et l’occasion de revoir Le Iench.
Depuis tout petit, Drissa rêve d’avoir un chien. N’importe quel chien : juste un animal qui lui donnerait un sentiment de normalité. Car, malgré son bac et sa maison à la campagne, il le sait, sa couleur de peau l’éloigne de la norme : seul Noir des parages avec sa sœur et son ami Mandela, il passe sa vie à essuyer affronts et injures racistes. Alors le chien, c’est un bout de cette vie « normale » à laquelle il n’a pas accès.
Mais le « iench » c’est aussi cet « animal domestiqué », selon ses propres termes, auquel son père accepte d’être réduit. Alors, Drissa le comprend progressivement, en fait de chien, lui, sera de ceux qui montrent les crocs. Quitte à mordiller un peu et être, en retour, abattu sans égard.
Le spectacle d’Eva Doumbia entrelace deux problématiques intimement liées, le racisme systémique et les violences policières. Les épisodes de la vie de Drissa sont ainsi entrecoupés, à la manière d’un chœur antique, de la litanie des victimes de meurtres policiers. Zyed, Bouna, Adama, Nahel… La liste est longue qui ne finit pas de grandir.
Cette mise en actes de la violence raciste et sociale est portée par l’écriture d’Eva Doumbia, qui alterne dialogues et récits à la première personne et dont le style fait la part belle au rythme et à l’image. L’émotion des acteur.rices, notamment celle de Souleymane Sylla, qui joue Drissa, participe de la communion de la salle, unie dans le deuil et la rage.
Au Théâtre public de Montreuil jusqu’au 28 mars, puis à Dijon les 21 et 22 mai dans le cadre du Festival Théâtre en mai.
Visuel : © Arnaud Bertereau