Après un fort réussi Cid l’an dernier, Les Fêtes nocturnes de Grignan mettent à l’honneur cet été Le Barbier de Séville de Beaumarchais.
Jean-Philippe Daguerre ne chôme pas. Au Festival d’Avignon, il présentait cet été Du charbon dans les veines, déjà récompensé par 5 Molières, et sa nouvelle pièce tirée de Marcel Pagnol, Marius. Cet été marquait également pour ce metteur en scène chevronné ses débuts aux Fêtes nocturnes de Grignan. Chaque été depuis 1987, le théâtre investit le magnifique cadre du château de Grignan, attirant environ 35 000 spectateurs pour une quarantaine de dates estivales.
Après avoir présenté en 2004 Le Mariage de Figaro, c’est au tour de la deuxième pièce du Roman de la famille Almaviva de Beaumarchais de se voir montée. Comme l’explique Jean-Philippe Daguerre dans sa note d’intention à propos du Barbier de Séville : « Les problèmes concernant la position de la Femme dans la société ainsi que les méandres matériels et philosophiques provoqués par l’obsessionnelle montée de l’échelle sociale n’ont jamais fait si bien écho à notre époque. Le traitement de l’intrigue et les caractères des personnages permettent tout au long de la pièce d’alterner situations comiques et dramatiques. » Et cette pièce, créée en 1775, continue de faire rire et réfléchir, 250 ans après. Il est toujours stupéfiant de constater à quel point la langue de Beaumarchais reste compréhensible et percutante pour le public d’aujourd’hui.
Pour sa mise en scène, Jean-Philippe Daguerre livre un spectacle efficace, mais classique. Situant l’intrigue dans une arène (eh oui, Séville !), le spectacle sent un peu trop l’Espagne et les clichés qui y sont associés. L’arène symbolise certes les joutes que se livrent Almaviva et Bartolo pour obtenir le cœur de Rosine, mais le propos est un peu appuyé. On est d’autant plus chagriné par les saillies musicales qui parsèment l’ouvrage, tantôt créations, tantôt emprunts à l’opéra éponyme de Rossini créé en 1816. L’intention est louable, créant de véritables respirations dans l’ouvrage. Pour autant, c’est comme si le metteur en scène ne faisait pas suffisamment confiance au texte même de Beaumarchais et à la contemporanéité de celui-ci pour maintenir son public attentif. Saluons en revanche les très beaux costumes signés Corinne Rossi, qui captent l’essence colorée et chaleureuse de Séville.
Côté jeu, saluons l’espièglerie du Figaro de Pascal Vannson. Manigançant et manipulant, l’acteur convainc pleinement par son énergie et son côté hâbleur. Notons également l’Almaviva incarné par Jean-Baptiste Artigas, dont la présence et la verve ne peuvent que faire chavirer le cœur d’Elvire.
Ce Barbier de Séville se révèle donc classique et quelque peu convenu, au risque de décevoir le spectateur chevronné ayant écumé une bonne partie du Festival d’Avignon le mois précédent. Pour autant, le cadre magnifique du château de Grignan, dont la façade ressort embellie par les lumières de Moïse Hill, reste l’une des scènes estivales les plus belles de France, et constitue donc un argument de taille.
Le Barbier de Séville, BEAUMARCHAIS, Mise en scène de Jean-Philippe Daguerre, Fêtes nocturnes de Grignan du 26 juin au 23 août 2025
Photo : © Delmarty