« La Vie secrète des vieux » de Mohamed El Khatib : plutôt mourir sur scène que finir en Ehpad

« J’ai 91 ans et j’ai envie de faire l’amour tous les jours »

De la même façon qu’il a partagé avec nous la mort de sa mère, le portrait d’une femme de ménage ou la misère sociale à Lens, Mohamed El Khatib se tient sur le fil. Souvent chez lui, on frise le pathos sans jamais quitter l’élégance. On rit pour pouvoir s’autoriser à pleurer de rire comme à la veille d’un enterrement. Si la question de la mort est omniprésente dans La Vie secrète des vieux, c’est pour magnifier la vie dans ce qu’elle a de plus pur : le sexe. Mohamed El Khatib s’attaque à un énorme tabou : les vieux et les vieilles baisent, ont envie de baiser et baiseront jusqu’à la mort, qui semble approcher un peu plus vite pour certain·e·s.

Dans un éclat de rire, le metteur en scène éjecte la question du grand âge et d’une fin possible en temps réel. Oui, ils et elles peuvent mourir là. Et alors ? Est-ce une raison pour s’arrêter de vivre ?

« Jusqu’à quand un homme peut-il bander ? »

C’est donc la deuxième fois qu’un spectacle de la 78ᵉ édition s’interroge. Après Angélica Liddell, ce sont les interprètes de ce spectacle qui posent la seule question qui fait tourner le monde. Sur scène, nous rencontrons la belle équipe : Annie Boisdenghien, Micheline Boussaingault, Chille Deman, Martine Devries, Jean-Pierre Dupuy, Jacqueline Juin et Jean-Paul Sidolle. Jacqueline est la plus âgée, la plus puissante aussi. C’est elle qui ouvre le spectacle, élégante en tailleur, pantalon bleu sur son fauteuil roulant, poussé par Yasmine Hadj Ali.

« Je ne veux pas mourir sans jouir encore »

La pièce est purement documentaire. Elle est le pendant de Mes parents (2022) qui donnait la parole à la génération Z. La Vie secrète des vieux est un manifeste pour laisser les personnes âgées libres de disposer de leur corps et de leur vie. Elle pointe les privations de liberté souvent imposées par les familles à leurs parents. On suit l’histoire des amants maudits, Anne et Jean-Claude, tous les deux mort·e·s aujourd’hui, qui s’aimaient à en crever.

De témoignages en trucs et astuces sur le désir après 70 ans, on avance vers un spectacle où tout est possible, y compris croiser Céline Dion et Tournez manège. Il donne la sensation que le désir et quelques orgasmes peuvent être un élixir non pas de jeunesse, mais de vieillesse en bonne forme. Toujours social, le théâtre d’El Khatib montre du doigt les vides : le manque de personnel, l’interdiction des assistants sexuels dans les Ehpad, entre autres.

C’est une pièce jubilatoire dont on sort plus vivant que jamais.