C’est le tube incontestable du côté du Off. Présenté au Théâtre des Doms dans sa version réduite, ce seul en scène augmenté, porté par le jeu parfait de Felix Vannoorenberghe, est une messe pour le temps présent bien portée.
Depuis le 5 juillet, date de la première, la pièce se joue sous un ciel chargé. Son metteur en scène, Georges Lini, immense figure de la scène belge, est mort d’un cancer à l’âge de 55 ans, le 27 juin, soit neuf jours avant le début du Festival d’Avignon. On découvre un plateau pour l’instant simplement occupé par des instruments de musique, des tringles et de hauts caissons. Félix Vannoorenberghe entre en robe rouge. Il est celui qui raconte tous les personnages de ce western qui se déroule dans « un petit, petit village du sud de l’Italie ». Un certain Simone se fait surnommer Jésus-Christ, et sa sœur, Maria, n’a rien d’une pietà endormie. Un jour, un connard, Angelo, la viole. Maria se venge. C’est cette décision qui est la pièce, dans un plan-séquence théâtral que rien n’interrompt.
Tout comme dans Le Soulier de satin, les costumes font décor. Le comédien remplace, par sa voix et son récit, les corps absents de ces tenues sur cintres. Les looks choisis nous ramènent dans un temps aussi suspendu que les vêtements eux-mêmes : robes, perfectos, bleus de travail… Bref, tout un village qui, ce jour-là, devient le cœur d’un western éternel, dont le héros est une héroïne qui dit non. Non aux remarques sexistes, non à celles et ceux qui minimisent les mains aux fesses, les regards insistants, les apostrophes dans la rue. C’est tout le patriarcat qui se concentre dans ce petit bled, où une jeune femme parvient à faire changer la honte de camp.
Félix Vannoorenberghe livre un solo augmenté, impeccable. Le titre, qui dans les premières minutes semble parodique, devient concrètement religieux au fil du récit. Religieux et tragique. Maria remonte « la rue du Calvaire », le « Golgotha » est cité, Jésus-Christ est « loué ». Dans cette partie de l’Europe, Dieu dicte encore la vie des humain·e·s. Maria crie vengeance. Elle est un messie, c’est elle l’élue, celle qui répare les affronts, les « en effet », les « elle l’a bien cherché ». L’écriture est somptueuse, le jeu emphatique et enlevé. La pièce est un tube, promis à tourner dans toute l’Europe.