Pour beaucoup, La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé est relié à Xavier Dolan qui vient de l’adapter en série. Mais avant tout, cette histoire est une pièce de théâtre de Michel Marc Bouchard. Cela n’a pas échappé à Didier Brengarth, qui, après Les Muses orphelines, s’empare pour la deuxième fois de l’univers du maître de l’intime québécois.
La neige tombe sur le rideau de scène fermé. Elle est seule pour l’instant, elle et son charisme fou. Elle raconte, elle, Mireille (Gaëlle Billaut-Danno), que, jeune adolescente la nuit, elle aimait entrer dans les maisons des gens pour les regarder dormir. Mais un jour, elle rentre dans la maison de Laurier Gaudreault, et il se réveille. Et ? Dans un procédé de coupure nette, nous passons à autre chose. Nous sommes à la morgue, le décor ne laisse aucun doute. Là un faux cadavre, là-bas des tiroirs. Une jeune femme s’affaire et notre héroïne, thanatopractrice, est de retour. Le cadavre est celui de sa mère et elle compte bien en faire son chef-d’œuvre. Déjà, rien que ça aurait pu être la structure d’une histoire folle. Mais on le sait, l’écriture de Bouchard accumule les strates et les secrets plus improbables les uns que les autres.
Didier Brengarth donne à chacun.e de ses comédien.nes un rôle sur mesure. David Macquart est le grand frère parfait dans ses tourments ; Julien Personnaz campe avec justesse Elliott le frère tendre, le petit dernier qui a pas mal morflé ; Benjamin Penamaria est puissant en Denis, le frère qui ne veut plus se taire. Marie Montoya est parfaite en Chantal la belle-sœur hilarante avec sa grande gueule, et Margaux Van den Plas, seule étrangère à la famille, est là pour dire aux vivant.e.s qu’il faut mettre les morts, en l’occurrence la morte, à sa place. Tous et toutes croient savoir ce qui s’est passé cette nuit-là . La tension monte comme dans un polar… La victime est-elle vraiment celle ou celui que l’on croit ?
Au-delà de cette progression vers la révélation, La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé est surtout une histoire de famille face au deuil. Sur le même thème, on repense à Mon absente de Pascal Rambert qui faisait lui aussi parler sa morte dans la bouche de tous les membres de la famille. Ici, le règlement de compte à O.k. Corral est magnifié par la beauté du travail vidéo qui habille très bien ce décor par définition triste. La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé est du grand et beau théâtre, familial, où le plaisir de jouer est palpable et où l’intrigue vous attrape passionnément.
Au théâtre Tristan Bernard, mardi au vendredi à 21 heures
et samedi à 16 heures et 21 heures.
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Visuel © Fabienne Rappeneau