La MC 93 accueille, jusqu’au 29 septembre, le spectacle d’Olivia Grandville La Guerre des pauvres. Une pièce qui mêle au plateau théâtre, danse et musique en une belle adaptation de l’œuvre d’Éric Vuillard.
Laurent Poitrenaux nous fait face. Avec son costume noir et son pupitre, il ressemble à un prédicateur. Il nous lit en effet l’histoire de Thomas Müntzer, rendu célèbre par La Guerre des paysans, de Friedrich Engels. Mais le livre au coeur de la création d’Olivia Grandville est celui, plus récent, d’Éric Vuillard, qui a d’ailleurs préfacé la nouvelle édition du livre du philosophe allemand.
Le texte lu par Laurent Poitrenaux évoque donc la révolte des paysans du Saint-Empire romain germanique, mais aussi les émeutes des serfs anglais contre les privilèges aristocratiques. En mettant bout à bout le récit de ces insurrections où tout semble basculer, Vuillard se livre à une véritable apologie de la révolte populaire. Son écriture est précise, tantôt descriptive, tantôt narrative, et douée d’un fort pouvoir d’évocation. Le récit alterne ainsi avec la litanie des oppressions subies par les plus humbles.
Le spectacle d’Olivia Grandville, bien sûr, ne se résume pas à la lecture d’un texte, fut-il bien écrit. Ce qu’elle nous propose ici est une véritable chorégraphie de la révolte.
Les danseurs Éric Windmi Nebie et Samuel Lefeuvre évoluent sur le vaste plateau de la salle Oleg Efremov, en traçant des mouvements circulaires ou en cassant au contraire leurs membres supérieurs par des gestes saccadés, à l’image du texte et de la voix, alors hachée, de l’acteur. Ils semblent alors danser en chœur avec cette voix, unis en un même élan. Ils partagent avec nous les sévices subis par les pauvres en même temps, quand leurs corps se déploient en hauteur, que leur aspiration à un monde plus juste.
Cette omniprésence de la danse contamine rapidement tout le plateau : les hampes des fanions qui jonchent le sol vibrent en harmonie avec les tubes de LED de la création lumière d’Yves Godin et la musique de Benoît de Villeneuve de Benjamin Morando.
Ainsi, tous les éléments convergent à faire de cette soirée un moment de forte communion, qui inscrit dans les corps plusieurs siècles d’histoire.
La Guerre des pauvres, Olivia Grandville — d’après Éric Vuillard, du 26 au 29 septembre 2024 à la MC 93.
Visuel : © Laurent Philippe