Dans Mizu, deux artistes et une marionnette de glace entament un pas de trois chorégraphique sur le thème du passage du temps. Elles se produiront de nouveau le 4 octobre aufestival Artonov à Bruxelles et du 19 au 21 octobre, à Marseille, au festival En Rimbanbelle !.
Deux femmes tiennent un brancard recouvert d’une couverture isotherme. Elles posent leurs pieds sur une plateforme posée à la surface de l’eau, étendue située sur le port de plaisance du Mont-Olympe à Charleville-Mézières. Sur la gauche, trois structures longilignes en bois s’élèvent en demi arches.
Des sons aquatiques nous parviennent. Les comédiennes accrochent les fils sur ce qui se trouve en-dessous de la couverture. Au bout d’un moment, l’une des deux femmes tire les ficelles. L’autre enlève avec douceur ce qui recouvre l’inconnu. Une poupée de glace en sort, magnifique de réalisme. Les yeux hagards, un peu inquiets, elle ne semble pas trop savoir ce qu’elle fait là.
Un soupir d’émerveillement parcourt le public, assis sur les marches de ce théâtre en extérieur. Le port du Mont-Olympe porte bien son nom ce jour-là. Privilégié.es, les spectateurices assistent à l’éclosion d’une créature qui paraît irréelle, céleste. Pourtant, le phénomène de fonte des glaciers est documenté scientifiquement, rappelle une voix enregistrée. Tout comme la vie des être de chair et d’os, celle des géants de glace dépend de plusieurs paramètres essentiels et fragiles.
Tout changement d’environnement peut être fatal à de tels organismes. Dans Mizu, la danseuse-acrobate Satchie Noro et Élise Vigneron, conceptrice de la marionnette, mettent en scène la fragilité de l’existence. Combien de temps avant que ce corps glacé ne fonde ? Quelle partie de son corps va partir en premier ? Ses questions pèsent sur le spectateur, brusquement mis face à l’inévitable disparition de tout corps vivant.
On s’identifie aisément à cette créature qui semble prise d’un pulsion de vie. La marionnettiste Sarah Lascar met subtilement en mouvement cet être qu’un rien peut abîmer. Comme un miroir, les mouvements de Satchie Noro sont synchronisés avec ceux de la marionnette. L’artiste la fait valser, parfois plus violemment, accélérant la fonte et la cassure. Les bras de la marionnette s’élancent joyeusement, mais elle perd son pied gauche en chemin.
Le plateau s’enfonce peu à peu dans l’eau. Gestes plus calmes succèdent aux grands élans de vitalité de la marionnette. Satchie Noro s’agrippe à la structure pour faire un câlin à sa compagne d’un temps.
Le public retient son souffle. Vie et mort se jouent dans ces 40 minutes d’un spectacle philosophique et poétique entre douceur et dernier élan de force. Dans ce théâtre à ciel ouvert, tout est suspendu, un rien peut faire éclater la tranquillité du lieu et de l’instant. Avec une technique exigeante et un sens du temps d’arrêt, les trois artistes composent avec Mizu une métaphore puissante de l’imprévisibilité et de la fugacité de la vie.
Sarah Lascar manipule dans Mizu une marionnette à fils faite de glace, la faisant danser avec Satchie Noro, artiste-acrobate. ©Hervé Dapremont