La nouvelle pièce de Yasmina Reza a une distribution époustouflante et un titre qui se retient : James Brown mettait des bigoudis. Malgré cela, les niveaux de langage ne s’entrechoquent pas et l’ensemble manque cruellement d’inspiration.
James Brown mettait des bigoudis… Et le fils unique de Lionel et Pascaline Hunter se laisse pousser les cheveux, porte des paillettes roses et prend un accent québécois ! Revenu à la scène dix ans après le roman Heureux, les heureux (Flammarion, 2013), Jacob se prend toujours pour Céline Dion. Il est désormais en maison de repos, à la merci d’une psychiatre domina. Et il a un ami amoureux d’un arbre. Ses parents le comprennent de moins en moins, le contredisent de moins en moins également. Ils sont toujours aussi amoureux l’un de l’autre et lui rendent visite régulièrement.
Alors que tous les ingrédients sont présents pour une pièce ciselée comme Yasmina Reza nous a habitués à les écrire, rien ne se passe. Derrière son scénario à la Pierre Notte, James Brown mettait des bigoudis ne transmet pas grand-chose. Jacob semble se fondre dans son milieu, finalement trop superficiel ou trop massacré pour exprimer autre chose qu’une exubérance d’accent et de vêtements. C’est un peu pauvre, comme réflexion identitaire. Les visites à ce fils présenté comme fou s’étirent. Et tous les personnages sont figés dans leurs deux ou trois traits de caractère, exprimés par leurs vêtements. Même les personnages supposés apporter de l’air frais sont poussifs : la conférence de la psychiatre est aussi pédante qu’inutile, et l’ami Philippe en idiot du städtl est à peine une ébauche.
L’art de Josiane Stoléru, le charisme d’André Marcon et l’ingénuité de Micha Lescot s’effritent. Des trottinettes trottent, de la musique tonitrue, Marcon se met même à déclamer, et tout le monde danse à défaut d’avoir quelque chose à nous dire. La lumière élégante de Philippe Gladieux brille comme un astre. Mais elle ne sauve pas la mise en scène sylvestre de la dramaturge, qui minimalise à la fois Thomas Joly et Thomas Ostermeier. Devant ces bigoudis, on s’ennuie prodigieusement.
Texte et mise en scène : Yasmina Reza
Avec : Micha Lescot, André Marcon, Alexandre Steiger, Josiane Stoléru, Christèle Tual et le musicien Joachim Latarjet
Assistanat à la mise en scène : Oriane Fischer
Musique : Joachim Latarjet en collaboration avec Tom Ménigault
Scénographie et lumières : Éric Soyer assisté de Marie Hervé
Création vidéo : Renaud Rubiano
Costumes : Marie La Rocca assistée d’Isabelle Flosi.
Théâtre National de La Colline, 1h45 min.
Visuel © Ann Ray
Texte publié chez Flammarion