I.R, la performance d’aujourd’hui de Louise Belmas

Le personnage va vivre un moment fort

Elle se présente à nous bien emmitouflée dans un manteau moumoute. Il fait froid tout de même en ce mois de janvier 2024 et Louise Delmas ne manque pas de le signaler. D’ailleurs, elle fait ça, elle signale. En quelques secondes, elle installe son monde, enfin, ce que l’on pense être son monde. Sa mère, son chien Mozart, Thibaud le copain d’école, et d’autres infos importantes. On y croit, d’autant plus qu’elle a les images pour le prouver, les diapositives qui documentent cette biographie.

Le ton est donné, il est décalé dans une parodie sérieuse de « stand-up subventionné » comme elle le dit elle-même. Alors, on rit parce qu’on ne comprend pas, parce qu’elle est barrée, parce qu’elle est attachante. Parce qu’elle est fragile et pleine d’auto-dérision. Le théâtre se met en place en criant gare. Louise Delmas joue de tout : de l’annonce portable à l’indication de la seule et alambiquée sortie de secours. Ce faisant, elle pointe, de son attitude faussement nonchalante et de ses yeux rieurs, que tout peut être un objet de fiction.

Honorer l’héritage et choisir mes aïeux

 « La vie est courte ». Elle dit ça, Louise. Elle dit surtout qu’il faut choisir sa route. Tracer ses lignes entre le sang et le cœur. Qu’il faut choisir ses orientations et que rien n’est écrit avant que le début du début ne commence vraiment. Que c’est ok de se travestir pour glisser dans les peaux d’autres, qu’il s’agisse d’un joueur de casino endetté ou d’un compositeur classique rêvant d’écrire des chansons pop. Bienvenue dans un univers où l’identité est un puzzle et une énigme, où la comédienne louvoie en toute fluidité entre les strates des personnalités qu’elle superpose. La mère est la fille, l’homme se cache sous la femme. Ce spectacle qui joue en permanence entre le vrai et le faux n’est pas à un travestissement près. L’écriture est ciselée, l’interprétation au rasoir, les rebondissements abondent, les signes utilisés se retournent sur eux-mêmes, l’humour est omniprésent.

Louise construit sa pièce bout par bout, multipliant les fausses pistes et les vraies références pop. Elle a une présence forte, et une personnalité qui est, pour le coup, bien à elle. Elle dissimule habilement ses tours de passe-passe dramaturgique derrière les éclaboussures de lumière jetées par les paillettes de sa veste ou par une boule à facettes. Elle dialogue avec ses voix off, leur cède le contrôle, finit par disséquer son propre spectacle en direct puisque, après tout, il n’y a pas de quatrième mur, et que pourquoi pas ? Certes, le personnage de Louise ne sera jamais violoniste, mais la comédienne est une super artiste qui, non contente d’écrire, de jouer et de se mettre en scène, compose pour de vrai des chansons qui viennent rythmer ce spectacle fou, hilarant, jouissif. Chapeau !