Guerre est un seul en scène, une adaptation théâtrale par Bérangère Gallot et Benoît Lavigne du récit fictif et autobiographique du célèbre auteur Louis-Ferdinand Céline. Un monologue porté avec talent par le jeune comédien Benjamin Voisin à découvrir au Théâtre du Chêne Noir durant le Festival Off d’Avignon.
Bruits d’artillerie. Sur le sol des éclats de roches, de la terre, au loin, un trait rouge balayant l’horizon. On ne voit pratiquement rien, juste une ombre se découpant dans une lumière jaune tamisée. Puis elle s’effondre, est-il mort ? Aux sons des corbeaux et du vent se joint une musique douce, il se relève et commence à parler d’une voix éraillée. L’émotion est trop présente, la souffrance se resserre comme un étau. Les mots sortent difficilement, la bave coule de cette bouche qui peine à articuler, comme si chaque syllabe était une nouvelle balle déchirant la peau, une nouvelle explosion, un autre corps qui tombe. Ferdinand raconte, il donne dans les moindres détails ce qu’il a vécu, il décrit ce qui se trouve autour de lui : le champ de bataille, ce lieu où le vivant n’est plus, ne reste qu’un survivant.
« J’ai attrapé la guerre dans ma tête ». Ferdinand est rescapé mais incapable de sortir du champ de bataille, il y sombre, s’y engouffre. Son corps est estropié, son esprit torturé. Pourtant, il continue à vivre et il faut apprendre à faire avec. Le récit de Louis-Ferdinand Céline prend aux tripes, cette histoire d’un jeune homme qui a vu et subi les pires horreurs : celles de la guerre, celles qui sont impossibles à oublier. Il raconte, il « fait de la littérature avec des petits morceaux d’horreur » et on est entrainé avec lui dans cette bataille non désirée.
Benjamin Voisin s’empare avec toute son âme de ce texte poignant. Chacun de ses gestes trahit la souffrance, les douleurs et les peurs de son personnage. Et puis, le corps meurtri laisse peu à peu le pas à l’esprit du ce jeune garçon, qui, malgré tout ce qu’il a enduré reste un adolescent. Cette jeunesse est retranscrite dans ses expressions, sa manière de parler, ses réactions. Dans l’horreur apparait ainsi un peu d’humour, le corps mutilé exprime ses désirs, ses pulsions. Benjamin Voisin ne cesse de jongler entre ces différents états d’esprit : la réalité laisse le pas à l’illusion, la folie tire vers l’ironie.
Bien qu’il soit seul en scène, Benjamin Voisin fait vivre une multitude de personnages qu’il incarne tous avec beaucoup de justesse, faisant ressortir chaque trait de caractère. Les scènes se matérialisent devant nos yeux alors qu’il reste seul dans un espace sculpté uniquement par des jeux de lumière. Le monde de Louis-Ferdinand Céline n’a jamais été aussi vivant.
Guerre est un seul en scène porté par un texte magnifiquement écrit et par un comédien dont le talent n’est plus à prouver.
Au Théâtre du Chêne noir du 7 au 29 juillet à 17h20. Relâches les 10, 17 et 24 juillet.
D’après Guerre de Louis-Ferdinand Céline © Editions Gallimard
Adaptation théâtrale Bérangère Gallot et Benoît Lavigne
Mise en scène Benoît Lavigne
Avec Benjamin Voisin
Collaboration Artistique/ Chorégraphie : Sophie Mayer
Scénographie et Lumières : Seymour Laval
Costume : Isabelle Deffin
Musique/Sound Desing : Raphaël Chambouvet
Peintre Décor : Fanny Gamet
Visuel : ©Clément Puig, Benjamin Voisin dans Guerre