Pendant toute la durée du Off d’Avignon, Guillaume Druez a mis en scène la célèbre comédienne dans un seule en scène incarné sur le mépris des corps qui prennent de la place.
« Pesant environ quatre-vingt-quatre kilos pour un mètre soixante-quatre, mon IMC est de trente-et-un virgule deux et me place dans la catégorie ‘Obésité modérée’ ».
Elle se présente à nous en tenue de ville, jolie chemise et pantalon taille haute ceinturé. Au premier abord, la seule chose qui nous vient en la voyant c’est de nous dire qu’elle a de l’allure. Rien de plus. Et pourtant, du plus, il y a que ça dans cette nouvelle, devenue roman puis spectacle, de l’auteur belge Guillaume Druez.
Du plus de frustrations, plus d’injonctions, plus de culpabilité, plus de stratagème, plus d’enfer.
À quel moment ce nom féminin, « grosse », est-il devenu un affront à la société, un surplus à dégager ? À quel moment, les femmes elles-mêmes se sont prêtées au jeu de l’exclusion et de la stigmatisation, comme le fait le personnage de la pièce, Blanche qui calcule ses écarts pour mieux pouvoir préparer ses « crises ».
Le texte et la façon sans détours qu’a Stéphane Bissot de le porter est un manifeste de l’intime. Sa douleur et sa souffrance immense nous parviennent en ligne directe. D’autant plus que, vous allez dire que cela marche avec toutes les souffrances, elle est insupportable. Pourquoi est-elle « grosse » ? Elle convoque une mère bien misogyne, la vie, des hormones, le désir d’être remplie, de mettre de la distance entre son elle et les autres. Le texte est très écrit, et il est très agréable d’entendre une langue soutenue parler d’addictions et de troubles alimentaires. Dans son jeu et dans le texte, le personnage, Blanche, étrille les faux-culs aux phrases gentilles qui sont des épées « t’es pas si grosse ». Les comparaisons sont omniprésentes entre les corps. Les plus et les moins, à la fin cela s’annule, cela ne fait plus rien.
Le texte ne finit pas. Enfin, il finit sur une suspension après une liste de choses à faire. Et c’est comme ça quelle nous laisse, prise dans les obligations qu’elle seule s’impose.
Grosse grosse grosse est un texte majeur, qui permet de comprendre pourquoi la grossophobie est une discrimination.
A suivre en tournée.
En tournée
Visuel : ©Mathieu Ridelle