Génération Mitterrand : une satire politique immanquable au Off d’Avignon

On avait découvert le travail de Léo Cohen-Paperman en 2021 avec La vie et la mort de J. Chirac, roi des français, présenté au off d’Avignon, et son travail nous avait déjà enthousiasmé. C’est dire que l’attente était folle, d’autant que se lancer dans un projet aussi dingue que de retracer la vie de huit présidents, nous semblait, sur le papier, au mieux répétitif, au pire casse gueule. C’était mal connaître les ressources de ce metteur en scène qui en a sous le capot, de même que son co-auteur et ses comédiens.

Être de gauche, c’est quoi ?

Génération Mitterrand raconte le destin de trois personnages : une journaliste parisienne, un enseignant à Vénissieux et un ouvrier à Belfort. Ils ont tous les trois voté Mitterrand en 1981, et 40 ans plus tard ils ont chacun pris un bord politique différent. Que s’est-il passé pour qu’ils en arrivent là ? Pour comprendre pourquoi ils ne sont plus d’accord sur rien et ne peuvent plus se supporter, ils vont chacun jouer leur version de François Mitterrand. Le président social, qui a fait des réformes en faveur des ouvriers, celui qui a ouvert la voie à SOS Racisme et sa fameuse devise « touche pas à mon pote », mais aussi la face caché d’un Mitterrand qui a fait monter sciemment le Front National et Jean-Marie Le Pen, en étant persuadé qu’il n’accèderait jamais au pouvoir, ou qui cache son état de santé et s’accroche désespérément au pouvoir jusqu’au bout. Il y a aussi celles et ceux qui ont été les artisans de ces 14 années à l’Elysée : Michel Rocard, Hubert Védrine, Jacques Séguéla… Une galerie de portraits croqués avec un humour décapant.

Autopsie tragi-comique

À cette réjouissante relecture de la grande histoire politique, se greffent la petite histoire de ces trois électeurs dont on va découvrir qu’ils ont tous une connexion les uns avec les autres. Parviendront-ils à se mettre d’accord ? C’est quoi en fait être de gauche ?

Il y a un plaisir non dissimulé qui transparait dans « Génération Mitterrand ». Léo Cohen-Paperman parle d’une « autopsie tragi-comique des utopies d’une génération ». C’est en tout cas une formidable plongée au scalpel dans notre histoire commune à tous. Cela parle de nos peurs, de nos doutes, d’un peuple de gauche qui aujourd’hui n’est plus le même, et ne le sera plus jamais.

Et pour voir la genèse de cette histoire, on court voir le dîner chez les français de V. Giscard d’Estaing, du même metteur en scène, toujours au Théâtre du Train Bleu dans un lieu magnifique, le jardin du Carmel. Dans cet opus, une famille reçoit Valéry et Anne-Aymone Giscard d’Estaing pour le réveillon. Un dîner qui ne va pas se passer comme prévu. Un régal !