« Fusées » Jeanne Candel fait décoller le théâtre à Avignon

« On est un peu cabossés »

La première image de la pièce est aussi belle qu’étrange. Nous voyons entrer une pianiste blessée, les mains complètement bandées. Son piano sur roulettes est encadré, en son intérieur, de néons. Il y a un grand tissu bleu en fond de scène, mais ça, on le sait avec Jeanne Candel, ça ne va pas durer. Une fois réuni·e·s, Vladislav Galard, Sarah Le Picard, Jan Peters et Claudine Simon ressemblent à des personnages de dessins animés. Ils sont totalement en vrac. Minerve, béquille, pansement. On ne sait pas ce qui a bien pu leur arriver, et d’ailleurs, on ne le saura jamais. Ce qui est important, c’est de pouvoir y aller, pouvoir faire du théâtre, avec le ventre et tout plein d’accents circonflexes.
Dès le début, ça joue à fond, très à fond. La belle équipe nous explique, à l’aide d’un théâtre de marionnettes sans marionnette, l’origine du monde. On se tord de rire face à la boîte à outils que l’on découvre. Une lune, un soleil, des étoiles qui meurent, tout ça au bout de petites tiges manipulées avec une délicieuse espièglerie.

« On a frôlé la catastrophe »

Le titre l’annonce : il sera bien évidemment question de fusée, d’espace même. Nous voici embarqués dans la vie en apesanteur de Boris et Kyril, tous deux abandonnés à leur sort sur la station spatiale Hermès 33. Le jeu est magistral. Ces deux-là flottent dans les airs en gainage sur un tabouret à roulettes ou transforment une table pliante renversée en satellite. Comme à son habitude, Jeanne Candel fait du grand théâtre avec pas grand-chose — on se souvient de BAÙBO – De l’art de ne pas être mort, où elle fabriquait des images à se damner avec de grandes feuilles de papier, par exemple.
Nous, devenus les terrien·ne·s, regardons ce duo confiné se débattre avec la peur de ne jamais revenir sur Terre. Ça a l’air tragique, vu comme ça, mais c’est tout le contraire.

« Un cil de temps »

Nous, les terrien·ne·s, sommes en réalité des bêtes sauvages remplissant le temps alors que nous n’en avons pas. Sous ses allures futiles et même foutraques, Fusée fait joliment réfléchir au temps qui passe, au temps qu’il reste, et à notre place si minuscule dans l’univers. Les idées fusent aussi vite qu’Ariane, et il ne faudrait pas tout vous dire. Conseillée à partir de six ans, Fusées est un vrai tout public qui s’amuse des codes du théâtre sans exclure quiconque.
On se réjouit au centuple devant ces comédien·ne·s également chanteur·se·s ou musicien·ne·s. Fusée regarde les humain·e·s avec une « option tendresse » qui nous fait succomber.

في عرض «فوسيه»، تمزج مديرة مسرح الأكواريوم الصوت والموسيقى لتقودنا، بعيون الأطفال، في رحلة إلى الفضاء.
بأسلوب ساخر ومؤثر، نتابع مغامرات شخصيات مصابة تتشبث بالمسرح والضحك رغم كل شيء.
عرض خيالي، مفعم بالإبداع، يفتح أسئلة كونية بروح من العبث والحنان.

In Fusée, the director of Théâtre de l’Aquarium blends sound and music to take us on a childlike journey into space.
Wounded characters cling to theatre and laughter in a playful, touching tale of cosmic absurdity.
A poetic and inventive performance that questions time, humanity, and our tiny place in the universe.