Le metteur en scène et dramaturge re-créé au théâtre 11 les deux premiers volets de sa Trilogie de Franck. Un chant d’amour à la littérature et au théâtre.
Les deux courtes pièces sont jouées dans un espace similaire. Pour La table du fond, une salle de classe est disposée de manière traditionnelle : le public s’installe à la place des élèves, derrière des tables, face au bureau du professeur et au tableau. Celui-ci est en ardoise et semble être d’un temps que l’on peine à dater. Pour Silence, c’est en presque demi-cercle que l’on s’installe, toujours dans une salle de classe, autour des mêmes éléments scéniques. Dans le premier volet, une femme, Sylvie Salin part à la recherche de son fils Franck dont elle n’a pas de nouvelles depuis trois jours. Pourtant, quand elle rencontre les membres de l’équipe du collège tout le monde la rassure : son fils vient bien tous les jours et semble même s’épanouir à l’école. Dans le second, elle le retrouve enfin, attablé dans un café, en train de lire. Qu’est-ce qui a justifié cette fugue qui n’en est pas une ? La littérature peut-être, cet espace aux limites infinies qui s’ouvrent devant ce jeune homme timide et discret. La liberté, en somme.
Et cette liberté résonne dans le travail de mise en scène de Cervantes. Tout d’abord en confiant au formidable (et le mot n’est pas excessif) Stephan Pastor le rôle des différent-e-s enseignant-e-s de l’enfant, mais aussi le rôle de Franck lui-même. Parce qu’il est le comédien précis, toujours engagé, que l’on sait, il fait apparaître devant nous tous ces êtres avec une perruque, une paire de lunettes, une légère modulation de timbre de voix. Et ce, sans jamais aller vers la caricature ou la simplicité. On « croit » à chacun de ses personnages, aussi bien dans le rôle d’une prof de maths hors d’âge, que dans celui du gardien du collège. Ou encore quand il campe l’adolescent. Son travail arrive à être à la fois distancié et ancré, physique. En face de lui, Anna Bouguereau varie les intensités de son jeu pour donner à voir une mère complexe, un peu perdue et en recherche permanente d’amour filial.
Dans cette économie de moyens, François Cervantes est un magicien. Un exemple qui semble être le plus probant. Dans Silence, Sylvie et Frank se retrouvent dans un bar. Comment le figurer dans un espace de classe ? Tout simplement en dessinant à la craie au tableau, des bouteilles, quelques verres suspendus par les pieds et un percolateur. Et l’on y est. La salle de classe se transforme en bar. C’est le tour de force tout en simplicité de ce grand metteur en scène. Lorsque la comédienne veut se servir un verre, elle en efface le dessin au tableau et celui-ci apparaît « en vrai » sur la table. Rien de plus simple et de plus magique, en somme.
On pourrait croire que c’est dans le théâtre que François Cervantes croit le plus, en ses pouvoirs. Mais peut-être est-ce aussi en nous qu’il a le plus confiance. En notre capacité, tout comme son jeune personnage, à rêver, à espérer en la littérature et en l’art.
La table du fond et Silence de et par François Cervantes.
Théâtre 11, dans le Festival Off d’Avignon à 10h30