Florent Siaud et son 4.48 Psychose reviennent au Théâtre Paris-Villette. Une expérience en demi-teinte.
Des 4.48 Psychose, il y eut pléthore cette dernière décennie. Mais peut-être est-ce là la marque des grands textes : à chaque fois, on a le sentiment de redécouvrir la pièce.
C’est en tout cas le projet de Florent Siaud, qui, à la suite de sa confrontation entre les versions anglaise et française de la pièce de Sarah Kane, a demandé à l’écrivain québécois Guillaume Corbeil une nouvelle version francophone du texte. Il en ressort une langue plus incisive, peut-être un peu plus rugueuse, empreinte par instants d’idiolectes québécois.
C’est toutefois le jeu de Sophie Cadieux qui fait l’essentiel du spectacle. La comédienne – elle aussi québécoise – nous livre un double de Sarah Kane à l’humour grimaçant, qui se moque des médecins autant qu’elle les exècre. Ses adresses au public sont, sinon malicieuses, du moins pleines d’une connivence nouvelle. Elles extraient le personnage de la seule lecture autobiographique et modifient l’attitude du public : celui-ci n’attend pas la fin programmée du personnage, mais le suit dans chacune de ses litanies. Ces dernières, par cette complicité, prennent une nouvelle saveur, irréductible au simple plaisir de la liste.
Le travail vidéo de David B. Ricard donne de l’ampleur à cette interprétation : les duplications en gros plans du visage de Sophie Cadieux montrent la diffraction du sujet en proie à ses psychoses et mettent en évidence, par un jeu de contraste, la présence puissante de la comédienne québécoise.
Il est toutefois dommage que Florent Siaud n’ait pas, du début à la fin de la pièce, fait confiance aux qualités de jeu de sa comédienne. La conception sonore de Julien Éclancher apparaît ainsi comme un habillage attendu : la musique forte au moment des imprécations, accompagnée de fumée, devient redondante de ce que le public voit et comprend des seuls mots de l’autrice britannique. Ainsi, plutôt que de le mettre en valeur, elle rend à ces moments le texte de la pièce assez anecdotique.
Quant à la scénographie envahissante de Romain Fabre, qui occupe une bonne part du plateau, elle vise à reproduire les méandres de la psyché tortueuse du personnage. La lumière rouge dont elle est baignée durant la majeure partie du spectacle la rend plus signifiante qu’émouvante, un vrai comble pour une œuvre phare du théâtre « in-yer-face » !
Fort heureusement, toutefois, il y a Sophie Cadieux, qui vaut à elle seule le détour !