« Euphrate » : Le récit initiatique d’une lycéenne au Off d’Avignon

Le casse-tête de sa vie

Il n’est pas évident de trouver son orientation, la réponse à une casse-tête qui semble impossible à résoudre. Savoir ce qu’on veut faire quand on n’a même pas 18 ans et tout juste le bac en poche. Ce questionnement taraude tous les esprits et dès qu’on sort un peu des codes, de la moyenne, il prend des proportions exubérantes.

Euphrate est en dehors des conduites pré-écrites. Elle est une jeune femme qui ne parvient pas à faire siens des codes de la scolarité. Elle avance pieds et poings liés, les yeux bandés, dans une société aux attentes bien trop élaborées. Elle est un chameau faisant la course dans un hippodrome géant et plus les années passent, plus ce champ de course s’agrandit. Elle veut accélérer mais n’y parvient pas, car elle est tirée en arrière par des forces qu’elle ne contrôle pas.

Vers la terre de mes origines

« Comment on fait pour savoir qui on veut être dans la vie ? » Tant de questions se bousculent dans la tête d’Euphrate. Elle voudrait savoir mais sa propre vie est un mystère pour elle. Et elle ne parvient pas à se connaître, comme s’il manquait une immense partie à son tout petit récit de vie, ses 17 ans d’existences. Alors elle cherche et finit par s’échouer au bureau d’une conseillère d’orientation. C’est avec beaucoup d’inventivité que Nil Bosca compose ce personnage exubérant aux propos sensés. Elle ne s’exprime pas avec de simples mots et confère à chacune de ses phrases une image. Elle oriente en allant creuser de petits sillons sur une terre encore vierge. Elle sème des graines et regarde l’arbre pousser, se positionnant en tuteur quand il y a besoin. C’est cette femme qui guidera Euphrate vers la terre de ses origines.

A cette figure tutélaire féminine s’ajoute celle du père, un homme qui aime éperdument sa fille et ne désire qu’une chose : qu’elle fasse es études, alors que lui n’a jamais pu aller à l’école. Ici encore, Nil Bosca fait le choix de parler à travers des métaphores. Là, les dialogues sont drôles, touchants et incisifs. C’est ainsi qu’Euphrate parle à son père de son passé : Elle veut comprendre d’où il vient, d’où elle vient, dans quel village turc son père a grandi et pourquoi il ne l’a jamais emmenée.

Euphrate est un voyage initiatique d’une jeune lycéenne qui désire trouver son orient. C’est un spectacle porté par une comédienne à l’énergie communicatrice. Elle ponctue  aussi son récit par des moments dansés, comme si son corps entier cherchait à exprimer ses doutes et ses avancées.