Avec « Elö », Camille Rocailleux met en scène une histoire de famille touchante, où l’essentiel non-dit dessine les contours d’existences un brin contrariées, mais prêtes à changer.
C’est un trou de verdure où chantent (fort) les cigales qui accueillent la représentation d’Elö ; d’emblée, les spectateurs se laissent couler dans la douceur du lieu, petit havre de paix et de nature dans le tourbillon avignonnais du mois de juillet. Ils sont trois sur scène, Camille Brault (mezzo-soprano), Antoine Lafon (acrobate), Clara Serayet (danseuse et acrobate). Tous trois interprètent les membres d’un petit noyau familial transgénérationnel qui fonctionne sans doute plus mal que bien ; la grand-mère est une chanteuse d’opéra reconnue, mélomane mais aussi un peu mégalo, femme de caractère qui existe pleinement, quitte à faire de l’ombre à son fils, le sensoriel et sensible Michel. Faute de tendresse vraiment assumée, il aura bien du mal à grandir et à prendre confiance en lui, quitte à ne pas pouvoir dire « les mots » à sa fille Joan, qui souffrira elle aussi, peut-être d’abord sans le savoir, de ce manque de paroles d’amour. C’est l’enjeu principal de l’histoire d’Elö (« vivant.e » en hongrois), où trois générations se rappellent les unes aux autres, se touchent et vibrent ensemble au gré des souvenirs de la plus jeune, sans parvenir cependant à se dire ce qui compte le plus, ce « je t’aime » qui permet aux enfants de tout âge de prendre confiance en eux.
L’histoire est simple, parfois un peu didactique : il faut dire « je t’aime » pour que les enfants puissent s’épanouir. Néanmoins, certains passages, notamment ceux des souvenirs du petit Michel, ou encore ceux de Joan au moment de son coup de foudre sur la plage avec Chiara, sont très joliment écrits ; on ressent vraiment nous aussi – Mistral aidant – les embruns qui caressent le visage et les papillons dans le ventre de Joan alors que son interprète escalade gracieusement le portique aérien, métaphore de son émancipation en train d’advenir… La polyvalence des trois artistes (et du metteur en scène, qui est aussi au clavier) est séduisante, permettant au spectacle de se construire diversement, tantôt dans les airs où l’on voit évoluer Antoine Lafon et Clara Serayet, tantôt dans les profondeurs de la voix de Camille Brault, qui ouvre le bal en mêlant son chant cristallin à celui du vent et des cigales. Enfants comme adultes sont conquis par le charme de cette histoire universelle sur la tendresse nécessaire : c’est doux, c’est émouvant et c’est déjà suffisant, comme les trois petits mots qu’attend Joan pour les dire à son tour à son amoureuse.
18h15 du 5 au 23 juillet – JOURS IMPAIRS
Durée 55min | JARDINS DU CARMEL* | à partir de 10 ans | Plein tarif : 20€ – Tarif réduit : 14€
Le Festival d’Avignon se tient jusqu’au 26 juillet. Retrouvez tous nos articles dans le dossier de la rédaction.
Visuel : © Christophe Schneider