Sur le plateau du Théâtre du Rond-Point, une grande table avec des chaises et un grand tissu au dessus qui porte 3 initiales : N pour Nora, A pour Ariane et N pour Nino. 3 destins qui vont se rencontrer, 3 êtres qui vont s’aimer, et connaitre la souffrance de la perte. Mais aussi la puissance de la joie, dans une fable touchante d’Estelle Savasa sur la façon de faire famille autrement.
C’est au départ l’histoire de Nora, une enfant placée et ballotée, de familles en foyers. Elle ne se rappelle plus de son enfance, elle ne se souvient pas non plus avoir été oubliée sur un balcon en plein hiver. Elle annonce d’emblée : «la légèreté n’est plus un dû». A 10 ans, Nora doit revoir sa mère qui souffre d’addictologie, la rencontre n’aura pas lieu. Elle a une grande colère en elle, dont elle ne sait que faire. A l’adolescence, sa rencontre avec Ariane va lui sauver la vie en quelque sorte. Les deux jeunes filles n’ont a priori rien en commun, mais il y a de l’évidence dans leur rencontre. La famille d’Ariane accueille Nora, qui pense avoir enfin trouvé sa place. Jusqu’à ses 18 ans, où tout bascule : Nora apprend qu’elle ne peut plus rester dans son foyer, elle décide de fuir, et les deux jeunes femmes sont séparées …. jusqu’à un évènement tragique, qui va amener Nora à réapparaitre des années plus tard.
La metteuse en scène et auteurice Estelle Savasa avait le désir d’écrire sur l’aide sociale à l’enfance depuis longtemps. Une thématique difficile à aborder sans tomber dans une certaine forme de misérabilisme. Avec D’autres familles que la mienne, elle réussit le double pari de laisser la joie se frayer un chemin dans ces histoires de destins brisés, et de montre la réalité difficile d’un système qui broie les individus, enfants et aidants compris. Le manque de solution de placements, la responsabilité de l’institution et les éducateurs désarmés, tout est là, sans jamais juger.
C’est un spectacle de « reconstruction après le désastre », estime l’auteurice dont l’écriture se déploie sur plusieurs décennies, nous embarquant dans ces 3 destins et cette histoire d’amitié et d’amour qui nous prend aux tripes. Une odyssée théâtrale rythmée par les flashs backs, les rencontres, et les deuils et qui, partant d’un fait divers sordide, achève le petit miracle de faire jaillir la vie et les émotions dans la quotidien des personnages auxquels ont s’attache d’emblée.
Nora tout d’abord (interprétée par Zoé Fauconnet) qui à travers tous les âges de la vie, fait face aux épreuves avec une dignité et une rage de vivre sans pareil. Ses deux acolytes (Ariane/Clémence Boissé et Nino/Matéo Thiollier-Serrano) ne sont pas en reste, leur histoire d’amour apporte un contrepoint extrêmement joyeux, et quand l’amitié des deux jeunes filles se brisent, elle permet de ramener l’espoir dans un ailleurs possible.
D’autres familles que la mienne, au théâtre du Rond Point du 9 au 19 Octobre 2025
Visuels copyright Danica Bijeljac