À La Maison des Métallos, Thibault Segouin fait passer Sébastien Chassagne des écrans à la scène pour un récit enlevé d’une passion amoureuse dévorante et déchirante entre une ferme paumée et une île enclavée.
Au premier regard, tout semble calme. Nous sommes face à une chambre d’hôtel. Un lit bien fait, des serviettes de bain bien pliées, une lumière bien cosy, un coin bouilloire bien utile. Et là, viens le chaos. Sébastien Chassagne, que l’on connait plus comme acteur, notamment chez Dupieux, que comme comédien, fait son entrée au théâtre de façon tonitruante, c’est-à-dire, vraiment ! Il déboule en Père Noël, guitare en carton dans les mains et se lance dans un playback d’anthologie sur « Thunderstruck » d’ACDC, et l’instant d’après, il démonte, telle une rock star, la jolie chambre. Il explose tout et en quelques minutes, magie du théâtre, le lieu devient autre chose, exactement, une ferme quelque part dans la vallée, l’histoire peut démarrer.
d’après La Foudre, le spectacle, est une adaptation de La Foudre de Pierre Bailly, sorti chez P.O.L en 2023. En voici le sujet : La Foudre est un roman de la passion amoureuse et de la sidération. Nous allons entrer dans une histoire qui fait des allers-retours entre Sébastien, le vrai et Julien, le personnage. Dans un jeu de miroir, la fiction fait résonner la rupture amoureuse de l’acteur, ce genre d’amour qui, quand il vous quitte, vous écrase le cœur pendant longtemps. Tout allait bien, dans le roman, dans la vie de Julien, amoureux depuis dix ans d’Héloïse, mais un jour, il apprend qu’un pote d’école a tué quelqu’un, il appelle sa femme, Nadia, et tout bascule. Seul et multiple, capable de se transformer en un clignement de cil, Chassagne est tout le monde : elles, eux et transforme des coussins en chien et leur contenu en moutons.
Chassagne a néanmoins du mal à se défaire des codes du cinéma, d’ailleurs, la pièce met en récit un film qui a du mal à se faire, un film qui adapterait le roman. Il pointe ce qu’il pense être des poncifs du théâtre public tels que le prix des places chères (ce qui est faux) ou l’utilisation systématique des micros (c’était vrai dans les années 90 et 2000). Ces moments censés être parodiques nous mettent un peu l’écart. Ce qui fonctionne à merveille, c’est ce récit de l’amour fou, celui qui relie le cœur du cœur de l’un.e au centre de la pupille de l’autre, celui qui vous fait ressentir les pulsations viscérales qui vibrent en même temps que l’autre, Quelle que soit la distance. Il est fort aussi, à dire, l’abandon, le gouffre du manque qui grignote le cerveau au point de n’en laisser aucun espace disponible pour penser à autre chose. Dans son jeu, Chassagne gagnerait à en faire un peu moins, car parfois, notamment dans une scène de justice au tribunal, on le sent jouer.
d’après La Foudre est le genre de pièce qui fait du bien, qui distrait tout en cultivant une belle dose d’émotion. On y retrouve le plaisir premier du théâtre, celui de voir un décor qui se transforme grâce à des belles idées et un acteur qui sait pertinemment de quoi il est capable. Notre bémol est qu’à la fois dans le jeu et dans la mise en scène, la pièce charrie des codes un peu trop classiques pour transporter cette œuvre du statut de bon à génial spectacle.
Du 8 au 12 avril, à La Maison des Métallos
Visuel : ©Maison des Métallos