« Elle ne souriait jamais »
Nous sommes chez « elle ». « Elle », c’est Maryse – mais ça, on ne l’apprendra que bien plus tard. « Elle » est morte, visiblement, à en croire l’effroi de Loelia qui découvre l’absente. Il y a ici et là des petites lampes de chevet, qui s’allument comme par la magie du théâtre, pour donner un halo douillet à ce drame. C’est la seule fille, l’aînée, qui entre en première : Loelia . Puis suivront ses deux frères, Colin « celui du milieu » et Florian, « le dernier ».
Il y a un gros fauteuil vert où, tour à tour, chacun leur tour, ils et elle vont prendre place, vont prendre sa place, à elle, pour essayer de comprendre qui elle était. Mais voilà, on ne peut comprendre que ce qu’on peut entendre – c’est le principe de l’enfance. On ne peut pas accéder à la vérité totale de ses parents ; on n’accède qu’à ce qu’on peut entendre. Alors, maintenant que c’est fini, le trio peut se confronter à la vraie vie de leur mère, qui était également une femme.
« On ne peut comprendre que ce qu’on peut entendre »
Comme pas mal de femmes du XXe siècle, elle a dû sacrifier sa vie professionnelle pour élever ses enfants, se confrontant à des métiers, les uns plus durs que les autres : femme de ménage, travail au marché… Le sol est bientôt jonché de bidons de produits d’entretien, plus polluants les uns que les autres. Elle raconte, dans la bouche des enfants devenus adultes, comment les odeurs la collaient.
La pièce se situe au croisement du théâtre documentaire et de la fiction. Elle invite des voix off : des témoignages récoltés auprès de travailleu·r·se·s précaires et invisibilisé·e·s. On entre dans une intimité vraie, celle des désirs, des douleurs et des peines – celle des rêves qui deviennent des cauchemars à force de ne pas être vécus.
Florian Pâque, Nicolas Schmitt et Loélia Salvador dévorent la scène, passant de leur rôle d’enfants à ceux des personnages de la vie de Maryse. La mise en scène regorge de bonnes idées qui font jaillir de la lumière et des bulles, donnant à cette histoire triste une presque allure de conte de fées.