« Creation (Pictures for Dorian) », les natures vivantes de Gob Squad à la Biennale de théâtre de Venise

« C’est du théâtre, c’est juste une métaphore »

Tout commence par une forme de happening. Une comédienne fait mine de tirer le portrait d’un spectateur et commence à délirer sur son geste, sur le fait de figer un moment. Très vite, elle glisse vers une idée qui tient en trois lettres A. B et C. A pour l’art, B pour l’objet et C pour le regard. Ce triangle de points de vue est le fil conducteur de la pièce qui est plutôt inclassable. Entre arts visuels, improvisation et pur théâtre, Gob Squad ne choisit pas et convoque à la fois l’humour, le kitsch et la beauté. Et si nous étions toustes Dorian Gray, figé dans le temps et encadré pour l’éternité ? Est-ce qu’à un moment, les bouquets de fleurs ne nous trahirait pas ? Elles fanent, elles, de façon ostentatoire, nous rappelant que nous sommes mortel.le.s.  

« Le plaisir est une philosophie de vie »

Alors, Johanna Freiburg, Sean Patten, Tatiana Saphir, Sharon Smith, Berit Stumpf, Sarah Thom, Bastian Trost, Simon Will et leurs invités vénitiens Alessandro Bressanello, Guido Laurjni, Manuel Nakhil, Margherita Piantini, Pierandrea Rosato, Yoko Yamada se prêtent à des jeux en apparence futiles. Si vous êtes d’accord avec cette proposition, ouvrez les yeux, par exemple : voulez-vous mourir sur scène ? Dans sa version italienne, l’héritage de la commedia dell’arte s’invite dans le super contemporain. Il est question de masques, d’exagérations et de transmissions entre les générations face à des miroirs semi-opaques.

« Le temps est jaloux de toi »

Dans chaque pays où se joue Creation (Pictures for Dorian), Gob Squad invite des artistes locaux à rejoindre la distribution. Cela donne un rapport à la langue différente à chaque fois. L’anglais (même si une partie du collectif est allemande) rencontre la langue du pays où la pièce se donne. Le spectacle ne parle que de rencontre entre des mondes : le vieux et le jeune, le lisse et le ridé, la réalité et l’illusion. La pièce fonctionne particulièrement grâce à sa volonté de transmettre. Elle date de 2018, avant le Covid-19 donc, et il est troublant de voir comment la parole, amenée sous la forme de discussion perfomée, est un acte fort.

L’acte est aussi très visuel, dans un travail vidéo qui augmente régulièrement ce que nous voyons, donnant l’occasion aux images de se faire. Gob Squad fait de tous des bouquets merveilleux, des natures mortes très vivantes. Une œuvre sensible qui insiste sur l’idée très juste que seul le processus compte.