La voilà donc, cette troupe qui fait du théâtre comme d’autres font des révolutions – avec passion, obstination et cette belle folie qui transforme les salles de spectacle en laboratoires de l’âme humaine.
Après le succès de leurs précédentes collaborations, la dramaturge Valérie Durin et le metteur en scène Nikson Pitaqaj (Cie Libre d’Esprit) reviennent avec Coeur Serré, une pièce coup-de-poing qui explore les mécanismes de l’emprise avec une justesse aussi drôle que déchirante. À mi-chemin entre la fable sociale et le théâtre documentaire, cette création inédite s’impose comme une Mafalda des temps modernes : un miroir acéré de nos dépendances affectives, où l’humour se dispute à l’urgence de libérer la parole.
Depuis des années, cette troupe s’impose comme l’un des piliers du théâtre indépendant, alliant créations audacieuses et ancrage militant. Les spectateurs ont ici la chance de découvrir non pas une énième production éphémère, mais une VRAIE troupe, soudée par des années de travail commun, qui ne se contente pas de monter des pièces : elle invente des festivals, mène des actions sociales avec les habitants, et cultive un engagement artistique sans compromis. Sans oublier leur attachement viscéral à l’héritage de Vaclav Havel, ce grand défenseur du théâtre comme acte de résistance – lui qui disait : « L’espoir n’est pas la conviction que quelque chose va bien se terminer, mais la certitude que quelque chose a du sens, peu importe comment cela se termine. »
Inspirée d’une histoire vraie, la pièce dissèque les liens toxiques qui se nichent dans le couple, la famille, le travail ou l’amitié, à travers huit personnages pris dans un ballet de manipulations tendres ou violentes. Valérie Durin, dont l’écriture oscille entre poésie crue et dialogues incisifs, y déploie une galerie de portraits où chacun reconnaîtra un fragment de son propre vécu.
Avec Nikson Pitaqaj à la mise en scène, le spectacle évite tout misérabilisme pour privilégier un rythme haletant, mêlant monologues déchirants et scènes chorales où le rire devient exutoire. La Cie Libre d’Esprit, associée à Arrangement Théâtre et Motra, y affirme son ancrage dans un théâtre populaire et exigeant, nourri de résidences territoriales et de collaborations artistiques foisonnantes.
Un coup de cœur, aussi inévitable qu’indécent, pour l’incomparable Henri Vatin – ce comédien qui, avec une justesse diabolique, se fait le miroir scintillant de nos médiocrités ordinaires, révélant, sous les atours du jeu, toute la tragédie grotesque de nos petites âmes.
Alors, chers amis du vrai théâtre, de celui qui éclaire autant qu’il divertit, précipitez-vous vers cette représentation comme on court vers un rendez-vous amoureux – avec cette même appréhension délicieuse de ne pas savoir si c’est votre cœur ou votre raison qui en sortira vaincu.