Vous avez dit « éco-terrorisme » ? Déni de justice ? Rouleau compresseur médiatique et étatique ? Si en plus vous aimez Quentin Tarantino, courrez voir « C.R.A.S.H », la pièce de Sophie Lewish qui s’empare avec exaltation de l’affaire de Tarnac, un fiasco judiciaire et médiatique.
Cette fiction documentaire virevoltante, réjouissante et d’utilité publique vous laissera au pire hilare, au mieux avec l’envie de vous révolter contre un système encore bien à l’oeuvre aujourd’hui.
Il y a une certaine forme d’urgence dans « C.R.A.S.H », la pièce écrite et mise en scène par Sophie Lewisch, qui retrace librement les 12 derniers jours d’audience d’un procès hors norme, celui des 3 jeunes prévenus de l’affaire de Tarnac.
L’urgence de dire l’injustice mais aussi de questionner notre société tant les thèmes abordés résonnent aujourd’hui. Souvenez-vous, c’était en… 2008. Plusieurs jeunes gens sont arrêtés par la police anti-terroriste après des sabotages de caténaires. La ministre de l’Intérieur de l’époque, Michèle Alliot Marie, les désigne comme appartenant à un groupuscule dit de « l’ultra gauche, mouvance anarcho autonome » . Ils seront jugés 7 ans plus tard.
En choisissant de recréer l’ambiance du procès, C.R.A.SH nous plonge dans cet imbroglio judiciaire et ce simulacre de justice non sans une certaine jubilation. Les 5 comédiens incarnent tour à tour avec brio et changement à vue, les nombreux protagonistes de l’affaire : avocats, juges, prévenus, témoins, policiers. Les audiences font apparaître toute une série de personnages plus cocasses les uns que les autres.
Il y a le juge Thierry Fragnoli, dépeint comme un mafieux corse, en soif de reconnaissance médiatique, la juge (incarnée par l’impeccable Nadine Bechade) qui semble être embourbée dans les détails de l’affaire, l’avocat goguenard qui ne lâche rien (génial Emmanuel Bodin), un duo de petit gars de banlieue venu assister au procès (les facétieux Florentin Martinez et Charles Pommel, qui endossent eux aussi de nombreux rôles et nous feront re-vivre une scène d’anthologie sortie tout droit de Kill Bill).
Sous ses dehors enjoués, « C.R.A.S.H », comme son nom l’indique, nous parle d’un raté absolu et d’un acharnement judiciaire en direct sous l’oeil des caméras. D’une époque, de notre époque, où être surveillés, intimidés, mis au pilori, sans respect de la présomption d’innocence, n’est plus un problème (cela l’a-t-il déjà été un jour ?). Où les puissants sont aveuglés par leur soif de pouvoir, formant un gang ridicule (les portraits de Michèle Alliot Marie, Nicolas Sarkozy et consort valent à eux seuls le détour !). Où les victimes sont les coupables, et où l’appareil d’État déraille. La présidente de la 14ème chambre du tribunal correctionnel de Paris n’a-t-elle pas elle-même déclaré : « L’audience a permis de comprendre que le groupe de Tarnac était une fiction » ?.
Et quoi de plus approprié que le plateau de théâtre pour recréer cette mise en scène bien huilée, orchestrée par un appareil d’État défaillant. L’écriture au cordeau de Sophie Lewish vient appuyer avec force l’absurdité de cette situation. Un spectacle édifiant, et féroce !
« C.R.A.S.H », écriture et mise en scène de Sophie Lewisch, du 5 au 26 Juillet 2025 à 19h50 au théâtre des Carmes, relâche les 8, 15 et 22 Juillet.
Visuel : © Joseph Banderet