Du 31 janvier au 11 février 2024, le Théâtre des Abbesses rejoue La Mouette mis en scène par Brigitte Jaques-Wajeman. Le célèbre texte de Tchekhov est joué par la Cie Pandora. Une proposition dans laquelle les acteurs doivent porter intégralement la pièce par la force de leur interprétation.
C’est l’histoire de Kostia (Raphaël Naasz), qui souhaite devenir écrivain, et de sa compagne Nina (Pauline Bolcatto), jeune femme un peu naïve, mais pleine d’espoirs qui veut devenir comédienne. Ils vivent à la campagne. Ils sont rejoints par la mère de Kostia pour les vacances, Arkadina. Actrice célèbre, elle est accompagnée par son amant Trigorine (Bertrand Pazo), grande figure de la littérature contemporaine. C’est Raphaèle Bouchard qui joue cette mère écrasante. La comédienne met l’accent sur le caractère exubérant, orgueilleux d’Arkadina. Absolument persuadée d’être perfect, le personnage ne comprend pas que les jeunes générations puissent remettre en cause les règles classiques du théâtre. Elle est hébergée chez son frère, Sourine (Fabien Orcier). Ils y croisent Dorn (Pascal Bekkar), médecin de campagne, Medvedenko, jeune enseignant finement interprété parTimothée Lepeltier, ou encore Macha, amoureuse éperdue de Kostia (Hélène Bressiant).
La Mouette est un drame dans lequel s’oppose le fantasme de la gloire face à l’anonymat, de la ville face à la campagne, des anciens face à la jeunesse. C’est l’histoire de deux rencontres. C’est l’histoire de deux mondes. Une dualité entre confrontation et désillusion. La pièce parle de reconnaissance : Nina rêve d’être une grande actrice quand Kostia rêve d’abord d’être quelqu’un pour sa mère. Au delà de l’intrigue qui lit les personnages, La Mouette est avant tout une réflexion sur le statut d’un artiste, sur la définition d’une pièce, sur ce que doit montrer le théâtre.
Pour mettre à l’honneur ces réflexions, la metteuse en scène Brigitte Jaques-Wajeman a choisi un décor épuré, constitué d’un espace carré en bois, d’un fond pictural et abstrait, ainsi que de quelques chaises et de très peu d’univers sonore. Dans le dossier de presse, elle raconte :
« J’ai voulu que le théâtre, qui apparait dans l’acte I, reste présent dans toute la pièce. Parce que la question du théâtre, aussi bien pour le jeu des auteurs que pour le jeu des acteurs, se pose tout au cours de la pièce« .
Et en effet, la place du théâtre est ici centrale. L’espace scénique en bois évolue en conservant sa forme carrée. Il est une scène quand Kostia présente son texte à l’entourage. Il est un salon quand Nina évoque ses souvenirs. Il est aussi un point d’ancrage sur lequel les acteurs se déplacent. La structure architecturale part de la scène. La pièce fut jouée pour la première fois au Théâtre des Abbesses l’année dernière, entre janvier et février 2023. Les critiques soulignaient déjà l’épuration de ce décor. Sa sobriété demande aux acteurs de prendre plus de place sur scène. Les critiques appréciaient la place centrale laissée au jeu et l’idée que l’ensemble permettait de mettre l’accent sur le texte et les émotions qui le parcours. On parcourt le texte de Tchekhov, très drôle, cynique, caricatural, qui se moque des personnages qu’il raconte. Qui parle de théâtre, qui parle de destin, qui parle d’amour.
Mais cette sobriété apporte autre chose : elle décontextualise. En décontextualisant, elle parle à tous. Notre confrère David Rofé-Sarfati notait dans un autre média que la scénographie « ignore l’univers slave » dans laquelle la pièce a été écrite. Cette absence de cadre spatio-temporel mettait la pièce « dans un hors temps ». Et c’est vrai. Avec cette mise en scène, Brigitte Jaques-Wajeman met l’accent sur le jeu et donc sur le texte, ce qui permet au public de se rendre compte de la modernité de la pièce.
En somme, une mise en scène qui respecte son engagement : raconter une pièce forte en mettant à l’honneur sa modernité.
©Gilles Le Mao
Durée : 2h15
31 janvier – 11 février 2024
Premières représentations : Janvier-Février 2023
Théâtre des Abbesses, Paris
Cie Pandora
Auteur Anton Tchekhov
Mise en scène Brigitte Jaques-Wajeman
Texte français Gérard Wajcman Scénographie Grégoire Faucheux Collaboration artistique François Regnault & Clément Camar-Mercier Accessoires Franck Lagaroje Lumière Nicolas Faucheux Création sonore Stéphanie Gibert Costumes Chantal de la Coste Assistant mise en scène Pascal Bekkar
Avec Pauline Bolcatto, Raphaël Naasz, Bertrand Pazos, Raphaèle Bouchard, Sophie Daull, Timothée Lepeltier, Pascal Bekkar, Fabien Orcier, Vincent Debost / Luc Tremblais, Hélène Bressiant / Sophie De Fürst
COPRODUCTION Théâtre de la Ville-Paris – Compagnie Pandora. AVEC LE SOUTIEN DE Théâtre de Saint-Maur-des-Fossés – DRAC Île-de-France.