Armel Roussel adapte pour la première fois au théâtre des textes non dramatiques, des nouvelles du nouvelliste américain Raymond Carver. Une entreprise ambitieuse, un pari réussi !
On le sait, les écrivains américain.es excellent dans le genre de la nouvelle. Raymond Carver ne déroge pas à la règle : il a ainsi publié Tais-toi, je t’en prie (1976), Les Vitamines du bonheur (1983) ou Les Trois Roses jaunes (1988). Il y dissèque la vie contemporaine, dans ses détails les plus intimes et les plus cruels. Il s’inspire pour cela assez largement de sa propre vie, sans pour autant succomber aux sirènes de l’autobiographie. En revanche, cette source d’inspiration lui permet d’ancrer ses textes dans le réel avec précision.
Les nouvelles choisies par Armel Roussel s’inscrivent dans cette perspective. Il en a choisi douze, jouées simultanément par une vingtaine d’acteur.rices : le public est divisé en autant d’équipes que de nouvelles sélectionnées et vogue de l’une à l’autre, les moindres coins et recoins du Théâtre de la Tempête étant transformés pour l’occasion en mini-théâtres.
Mini-théâtres ou théâtres miniatures ? Les espaces ont quelque chose du théâtre de marionnettes. Les téléphones – fixes, of course ! – font ainsi figures d’éléments récurrents : qu’un combiné pende du plafond – « Fièvre » – ou que l’appareil soit installé sur une table de chevet – « Intimité » – il relie les personnages au monde des personnages un rien perdus.
La sélection des nouvelles comme les choix scénographiques permettent au metteur en scène de rendre compte de la grande variété des textes de Carver sans rien gommer de leur unité. Est ainsi créé un univers dur, sinon pessimiste, où les personnages souffrent, se trompent, meurent et boivent, mais aussi un monde étrange, flirtant avec le fantastique, déroutant à coup sûr spectateurs et spectatrices.
Le jeu des comédiens et comédiennes rend bien compte de cet interstice entre le réel et l’étrange qui caractérise ces nouvelles. Le public passe sans cesse d’un dispositif à l’autre, du frontal au circulaire en passant par une séance de cinéma impromptue. Armel Roussel a en effet confié la réalisation du film Plumes à Koumarane Valavane : ce dernier déplace la nouvelle de Carver dans l’Inde actuelle.
Cette diversité le place dans une situation instable, qui le conduit à suivre avec attention les histoires sans trop savoir s’il en fait partie, confusion qui participe du plaisir de la soirée.
Soleil, d’après Raymond Carver, mise en scène d’Armel Roussel
En tournée :
Du 6 au 22 juin 2025 au Théâtre de la Tempête
Du 30 septembre au 4 octobre au Théâtre du Nord, Lille
Du 14 au 22 novembre 2025, simultanément aux Théâtre Varia et Théâtre Les Tanneurs, Bruxelles
Visuel : © Alice Piemme