Le Théâtre de Belleville accueille jusqu’au 27 février le succès d’Ahmed Madani.
Plus qu’aucun autre, Au non du père est né d’une rencontre : celle d’Ahmed Madani avec Anissa. C’est en effet lors de la création de son spectacle F(l)ammes que leurs parcours se sont croisés. L’auteur et metteur en scène cherchait une jeune femme peu habituée des salles de théâtre. Par l’entremise d’un centre socio-culturel, le voilà qui entre en contact avec Anissa, laquelle lui confie sa blessure : un père inconnu, qu’elle pense pourtant avoir reconnu. Dans son téléviseur, lors d’un reportage sur un boulanger français installé aux États-Unis.
Touché par l’histoire de la jeune femme autant que par son bagout, Madani lui propose un marché : il la conduit auprès de son père, de l’autre côté de l’Atlantique, en échange de quoi elle s’engage à raconter sur scène son histoire. Anissa hésite : le théâtre, ce n’est pas son truc. Rusé, le metteur en scène, met une autre pièce dans la balance : elle pourra, pour vaincre le trac, se livrer devant le public à l’occupation de son choix en même temps qu’elle déroulera son récit. Fan de pâtisserie, Anissa choisit la confection de pralines et de fondants au chocolat.
C’est donc dans les effluves de sucre vanillé que les deux acolytes accueillent leur public. A mesure que la cuisson avance, l’odeur se renforce, venant titiller les narines des spectateurs et spectatrices. Pourtant, Anissa les a prévenu·es : quand les pralines seront à point, il leur faudra partir. Il n’empêche : le parfum entraîne à lui tout seul l’attention de l’assistance.
Côté texte, Anissa et Ahmed reviennent sur leur rencontre et le pacte qui les unit. Anissa a imposé à Ahmed de rester avec elle sur scène, mais celui-ci sait s’effacer : il est le plus souvent en bord de scène, assis à une table face à un carnet sur lequel il griffonne quelques notes.
La comédienne amatrice, pour sa part, fait résonner sa gouaille. Sa déférence envers son parrain de théâtre est pleine de malice. Après le récit, vient le départ pour les States : un écran projette des images du film tourné durant le périple américain. Pour autant, la vidéo est loin d’envahir l’espace de la représentation : de petite taille, il est coincé dans un bout de scène, laissant le regard du public s’attarder sur le four où fond encore le chocolat. Anissa commente la vidéo, créant ipso facto une relation entre plateau et écran ; ce dernier ne se substitue pas à la scène, il en devient un accessoire parmi d’autres.
Ce jeu espiègle avec la caméra, auxiliaire du spectacle, mais non pas rivale, se retrouve dans le rapport au texte publié : celles et ceux qui l’auront seront surpris·es d’entendre un texte qui diffère par instants de celui qu’iels ont lu. Cet écart permet le déploiement de l’intrigue et de la surprise, qu’il est bien sûr hors de question de révéler ici. Au non du père offre alors au public un moment de rire, de joie et d’espoir partagé.
Au non du père, d’Ahmed Madani, avec Ahmed Madani et Anissa
Au Théâtre de Belleville du mercredi 3 décembre au vendredi 27 février
Décembre : mar. 16h, mer., jeu., ven. 19h, sam. 12h30 et 21h15, dim. 15h
Janvier : jeu., ven. 21h15, sam. 19h, dim. 15h
Février : jeu., ven., sam. 19h, dim. 15h
Visuel : Ariane Catton