« Annette » : un phénomène qui vous emportera au Off d’Avignon

Dans la première scène, nous rencontrons Annette, assise à côté d’un haut parleur, en petite tenue. Elle s’écoute parler au téléphone pour prendre un rendez vous, avec son médecin peut être… C’est laborieux mais d’une drôlerie folle. Elle commente et se moque d’elle-même. Puis elle apprend que demain, c’est son anniversaire. Et l’émotion la gagne en un instant. Il semble que toute la sensibilité, la complexité, la richesse, la vision de cette femme au destin extraordinaire se trouve déjà là.

En un regard perçant, Annette passe à autre chose. Des souvenirs d’enfance reviennent, une chanson, un film et tout le plateau s’anime, elle se met à danser avec les autres. Puis Annette explique : elle n’a jamais compris le monde dans lequel elle vivait. L’ordre, les injonctions, la vie rangée qu’on lui prédit. Elle se sent piégée.

Comme on entre dans une forêt

À 50 ans, Annette décide alors de s’offrir un cadeau : la liberté. Plus de mari, plus d’enfants, plus de corvées, elle se met « dans un face à face avec la vie », comme elle le dit elle-même, pour embrasser des territoires nouveaux, défricher, être présente à ce qui arrive, tout simplement. Oh non, ça n’a pas été facile. Annette n’est pas de la génération de ces femmes libérées, elle est née au début des années 50, une toute autre époque. Mais de sa façon de s’assumer, de ne jamais se compromettre, de suivre sa voie, transpire une modernité folle qui nous inspire.

La metteuse en scène Clémentine Colpin explique que sa rencontre avec Annette l’a marquée à jamais. Elle parle du cadeau de la mémoire donnée, de « plonger dans la chair d’une femme de 75 ans, comme on entre dans une forêt ». Superbe métaphore pour expliquer cette connivence entre les deux qui transparait dans le spectacle, et cet hommage qui est rendu à une femme qui ne cache rien, même les moments les plus douloureux, même la mémoire qui flanche, même les regrets.

Féminité désertée, singularité assumée

Clémentine Colpin raconte aussi qu’elle a conçu ce projet en partant du corps d’Annette, qui a été une dimension si importante de son histoire. Un corps de femme vieillissant qui, on le sait, est si peu représenté, et même invisibilisé, au théâtre comme dans nos sociétés. Un geste politique mais qui ne nous est pas imposé : il résonne au contraire avec les histoires de chacun-e-s et nous permet un instant de faire la paix avec nos mères, la notion de maternité, notre propre peur de la vieillesse, et de renouer avec l’espoir d’une vie de femme assumée, quelle qu’elle soit .